Quelques enseignements du tracking : Look de Vega sur les traces d'Ace Impact

4 juin 2024

Jockey Club 24 Look de Vega

Photo scoopdyga.com

 

Qatar Jockey Club : Du poids et de la vitesse

 

Peut-on estimer le rating d’une course à travers le chronométrage de leur performance ? On sait qu’aux USA, des indices très populaires sont basés sur les mesures de vitesse. Cela est dû à une relative uniformité des parcours et des surfaces, et à des allures de courses typiques, généralement très soutenues d’un bout à l’autre, comme à Hong Kong et au Japon, mais pour des raisons tout à fait différentes.

L’irrégularité des déroulements de course en France, plus que partout ailleurs en Europe, rend l’opération plus délicate. Toutefois, cette difficulté s’estompe au tout meilleur niveau, particulièrement dans les courses plus riches en partants, comme les classiques.

Avec ses quinze concurrents, le Qatar Prix du Jockey Club fait partie des valeurs sûres du Tracking, mais cette année, le terrain plus collant que lors des précédentes éditions a un peu brouillé les cartes.

Le verdict des handicapeurs est tombé avec une valeur théorique de 120 livres pour Look de Vega, la troisième plus élevée des cinq dernières éditions. Vadeni, en 2022, s’était imposé par cinq longueurs et avait ainsi hérité d’un rating de 123. Ace Impact, dont le retour de la 10e à la 1re place sur les derniers 600 mètres, bouclés en 34’’ sur un terrain à 3.2, lui avaient valu un rating de 125. Il avait aussi battu le record de la course.

On sait que le rating d’une course est établi grâce à la moyenne des quatre premiers.

Voici les ratings moyens des cinq derniers Qatar Prix du Jockey Club, à laquelle nous avons ajouté l’équivalent en kilos, et le nombre de Gr1 remportés par la suite par les quatre premiers à l’arrivée, avec les noms des gagnants de Gr1 ultérieurs)

2020 : 114 (51,75kg) – 2 (Mishriff)

2021 : 115 (52,125kg) – 3 (StMark’s Basilica, Sealiway)

2022 : 115 (52,25kg) – 4 (Vadeni, Modern Games)

2023 : 117 (53kg) – 3 (Ace Impact, Big Rock, Feed the Flame)

2024 : 116 (52,5kg)

Avec un an de recul seulement, l’édition 2024 justifie déjà son rang d’édition supérieure. Malgré les différences dans l’état du terrain entre ces deux dernières éditions, peut-on tenter de trouver des indices permettant de mieux jauger la course de dimanche dernier, et surtout son lauréat ?

Comme Ace Impact, Look de Vega a signé le meilleur temps sur 200 mètres du peloton en 11’’5, contre 11’’2 un an plus tôt, et 11’’6 puis 11’’5 pour St. Mark’s Basilica et l’exceptionnel Vadeni. C’est d’autant plus remarquable que la piste était moins rapide que lors des précédentes éditions, celle de Mishriff, en 2020, s’étant déroulée aussi en juillet sur un terrain à 3.3.

Look de Vega a aussi signé le meilleur temps sur les derniers 600 mètres derrière celui d’Ace Impact, mais avec une différence de taille : le temps qu’il a mis à rallier le poteau est de sept secondes plus long que celui du futur gagnant de l’Arc 2023. Pourtant, dans l’un et l’autre de ces deux Jockey Club, les leaders ont craqué pour finir, ce qui indique un train plutôt soutenu compte tenu des conditions de terrain. Fast Tracker et Ramadan, qui ont pris les devants dimanche dernier, n’étaient pourtant pas des outsiders. Le premier était favori au betting ! Ils peuvent avoir tous deux manqué de tenue, mais le terrain n’était probablement pas favorable aux records, cette année, même si plusieurs chronos étaient comparables à ceux enregistrés sur cette réunion en 2021 et 2022.

L’année 2022, justement, le meilleur chrono sur 200 mètres avait été réalisé par le malheureux Onesto, le plus rapide sur les derniers 600 mètres (35’’5), lorsqu’il est passé de la 14e à la 5e place. On connait la suite : il a gagné le Grand Prix de Paris dans la foulée, comme d’ailleurs Feed the Flame, 4e l’an dernier après avoir réalisé le 2e meilleur temps de la course sur 200m. Son parcours avait d’ailleurs été presque calqué sur celui du tenace et valeureux Marhaba Ya Sanafi (Onesto, lui, avait galopé dans la foulée du 4e Al Hakeem, futur lauréat du Grand Prix de Deauville-Gr2).

Un partant de l’édition 2024 du Qatar Prix du Jockey Club a suivi une trajectoire similaire : Mondo Man. Le 5e est passé du 10e puis du 8e rang au 5e, pour finir tout près de Ghostwriter. Ses meilleurs 200m, en 11’’52, sont très proches de ceux du gagnant. Il a aussi signé les dernier 600m les plus rapides du peloton, quatre dixièmes plus vite que Look de Vega. Sunway n’est pas très loin de ça après un parcours trop en retrait. Où vont nous emmener le deuxième, le troisième et le cinquième du Prix La Force (Gr3), dont le lauréat Atlast a fini dernier dimanche ? Deuxième du Qatar Jockey Club, First Look, 3e du La Force, a aussi devancé Grecian Storm, pas forcément favorisé dimanche, et Atlast dans le Prix de Guiche (Gr3), dont le vainqueur, le hongre Darlinghurst, court bientôt à Royal Ascot… S’il venait à bien courir en Angleterre, la performance de Look de Vega prendrait un relief encore plus convaincant.

Dernière note sur les ratings des dernières éditions du Derby français, le rating moyen des chevaux arrivés 2e, 3e et 4e s’établit ainsi :

2020 : 113 (51,3kg)

2021 : 114 (51,5kg)

2022 : 113 (51,2kg)

2023 : 114 (51,8kg)

2024 : 114 (51,8kg)

Les variations sont plutôt faibles. Il faut donc, chaque année, un gagnant hors du commun pour que la course tienne son rang. C’est ce qui est étrange dans cette règle de prendre en compte les quatre premiers d’une course pour établir son rating. En matière de génétique, le gagnant n’est-il pas, seul, le véritable fruit de la sélection ?

Côté vitesse…

 

Le programme de la journée du Qatar Prix du Jockey Club est celui de tous les extrêmes : trois sprints dont deux sur 1 000 mètres, auquel on peut ajouter la course d’inédits de 2 ans dotée de 50 000 €, alternent avec deux courses de 2 400 mètres, avec le Grand Prix de Chantilly (Gr3) et le Prix de Royaumont (Gr3), sans évoquer le Grand Handicap de Chantilly, également disputé sur le mile et demi.

Penchons-nous sur les sprints…

Que ce soit dans La Flèche (L) remportée par le 2ans anglais Francisco’s Piece, dans le Prix du Gros-Chêne (Gr2) que Ponntos, décidément meilleur que jamais, a dominé, ou encore le Prix Marchand d’Or (L), sur 1 200 mètres, c’est du groupe de tête qu’est venue la vérité.

Vite largement en tête, Ponntos n’a pas eu besoin de battre des records sur 200 mètres pour garder l’avantage. Six de ses adversaires sont allés plus vite que lui sur un furlong dans la course, mais il avait gagné la course de bonne heure et a maintenu la pression d’un bout à l’autre, puisqu’il a signé aussi le 2e meilleur temps dans les derniers 200 mètres, couverts plus vite par le seul Cœur de Pierre. La saison du champion tchèque pourrait s’avérer passionnante. À 6 ans, ce cheval est probablement meilleur que jamais. C’est l’avantage des sprinters : ils peuvent durer

Sur les 1 200 mètres du Prix Marchand d’Or (L), les deux premières, Jasna’s Secret et Flers, se sont montrées très tenaces, puisqu’elles sont les deux seules rescapées, avec le 3 Grand Scoop, du groupe de tête. Dans les derniers 400 mètres, cependant, Jasna’s Secret est très au-dessus. C’est une grande performance qu’a accomplie la pensionnaire des Lerner, encore à l’honneur par cette belle journée classique.

Et côté tenue !

 

Trois courses sur 2 400 mètres étaient aussi programmées ce dimanche, dont le RMC Grand Handicap de Chantilly, remporté par le favori Sacred Spirit. Son temps est de 2/10e meilleur que celui de Junko dans le Grand Prix, mais de 1’’7 moins bon que celui d’Aventure, dominatrice dans le Prix de Royaumont (Gr3). Mais c’est dans le Grand Prix que les leaders sont allés le plus loin, le meilleur temps sur 200m de ses trois courses étant à mettre à l’actif de Goliath, tenu trop loin dans une course moins sélective que les deux autres. Marquisat, 2e à un souffle de Junko, a cependant boulé ses 600 derniers mètres presque 2/10e plus vite que le gagnant, et Dubai Honour a fait mieux encore, mais en venant de plus loin.

C’est dans le Grand Prix que les chevaux de tête ont eu le dernier mot, alors que les gagnants des deux autres épreuves du jour sur 2 400 mètres venaient de derrière.

Quant à Sparkling Plenty, ses temps de passage confirment qu’elle était très supérieure à ses adversaires du Sandringham (Gr2).