6 octobre 2019
Photo scoopdyga.com
Enable (Nathaniel) ne deviendra pas le premier pur-sang à remporter trois fois le Qatar Prix de l’Arc de Triomphe (Gr1). Dimanche, sur une piste de Paris Longchamp rendue très souple par les averses de la semaine, elle n’a pu terminer que deuxième… battue par le français Waldgeist (Galileo), entraîné à Chantilly par André Fabre et monté par Pierre-Charles Boudot.
La course a été menée à bonne allure par l’anglais Ghaiyyath (Dubawi), dont c’est la tactique préférée, l’irlandaise Magical (Galileo) et le japonais Fièrement (Deep Impact).
Derrière les trois animateurs, la championne Enable se tient en embuscade, filée par son rival annoncé, le jeune français Sottsass (Siyouni) et par Waldgeist. L’irlandais Japan (Galileo), compagnon d’entraînement de Magical, est plus loin et doit voyager en extérieur.
À l’entrée de la ligne droite, quand la course se durcit, Fièrement est le premier à lâcher prise. Il est imité un peu plus loin par Ghaiyyath. Puis c’est Magical qui abdique…
À 350 mètres du poteau, débute alors une lutte à trois entre Enable, Sottsass et Japan.
Enable place, à 150 mètres du but, une accélération qui semble décisive : elle décroche très vite Sottsass et Japan, qui continuent à lutter ensemble. Et c’est le moment que choisit Waldgeist pour s’annoncer en pleine piste : son jockey Pierre-Charles Boudot l’a actionné aux 300 mètres, mais il a mis un peu de temps à enclencher. À 150 mètres de l’arrivée, il atteint sa pleine vitesse, en se « couchant » sur la piste.
Enable, dont l’action se réduit à la corde, dans ce terrain assoupli très exigeant, ne peut rien faire. Une longueur trois quarts sanctionne la supériorité de Waldgeist.
Pour Pierre-Charles Boudot, c’est un premier Arc… alors qu’André Fabre est plus que jamais recordman chez les entraîneurs, avec 8 succès.
Dietrich von Boetticher avait déjà élevé Hurricane Run, gagnant de l’Arc en 2005, mais il ne courait plus sous ses couleurs à cette époque (il l’avait vendu pendant l’été 2005).
Élevé en Grande-Bretagne, Waldgeist disputait sa 21ème course, et gagnait pour la neuvième fois. Sa mère Waldlerche (Monsun) a gagné le Prix Pénélope (Gr3) après avoir été achetée 100 000 € aux ventes de Deauville. Elle a aussi donné la gagnante de Prix de Malleret (Gr2) Waldlied (New Approach). Une autre fille de New Approach, toujours inédite à ce jour, est née en 2015, un fils de Sea The Stars né en 2016 a débuté victorieusement chez John Gosden l'an dernier en Grande-Bretagne et gagné en août un handicap à Newmarket sur 2 000 mètres.
Les réactions
André Fabre (entraîneur de Waldgeist, 1er)
« J'ai beaucoup d'admiration et de respect pour Enable et je suis très fier de Waldgeist. Il m'avait beaucoup plu à Ascot. Il était battu, mais il courait très bien et n'avait pas pris dur, broutant ensuite. Pierre-Charles en avait été très content et avait dit : on va gagner l'Arc. Il était très confiant. Sa préparation s'est très bien passée, il était en très bonne condition. Il est de plus en plus fort, plus mature. Waldgeist est un cheval calme, facile à entraîner. J'étais très inquiet quand j'ai vu toutes les pluies tombées car, dans le Prix Ganay en bon terrain, il bougeait très bien. Mais il avait gagné en terrain lourd à 2ans et il s'adapte à tous les terrains. L'Arc est l'une des plus grandes courses du monde. C'est une belle récompense pour Dietrich Von Boetticher et son partenaire, Andreas Jacobs. Pour la suite, ce sont ses propriétaires qui vont décider, il pourrait partir au haras. »
Dietrich von Boetticher (copropriétaire et coéleveur de Waldgeist, 1er)
« Gagner l'Arc, c'est un sentiment incroyable, et c’est surtout quelque chose qu’on essaie de réussir toute sa vie… et en général, on n’y arrive pas ! Nous, ça nous a pris du temps. Dans le passé, nous avons élevé Hurricane Run qui a gagné l’Arc, mais pas sous nos couleurs. Et aussi Borgia, qui a terminé à l’arrivée de l’Arc. Pour remporter ce genre d’épreuves, il faut savoir parfois s’associer, ce que nous avons fait avec Andreas Jacobs, le propriétaire de Newsells Park Stud [où officie Nathaniel, le père d’Enable ! NDLR]. ujourd’hui, nous étions inquiets pour le terrain. C’était un vrai challenge. Mais le cheval était plus fort que jamais. Je ne m’attendais pas à battre Enable ni à ce qu’il accélère ainsi dans la ligne droite. Pour la suite, je ne veux pas prendre de décision sans parler avec André Fabre. Nous ferons ce qu’il y a de mieux pour le cheval. Ce ne sont pas des machines mais des êtres vivants. »
Andreas Jacobs (copropriétaire et coéleveur de Waldgeist, 1er)
« C'est aussi beau que le jour du mon mariage ! Dans l’élevage, il ne faut pas toujours suivre les modes. Dans notre haras, nous aimons ces grandes familles allemandes dotées de tenue. C’est d’ailleurs ce que nous avons aussi recherché avec notre étalon Nathaniel. »
Pierre-Charles Boudot (jockey de Waldgeist, 1er)
« Je ne réalise pas, je suis super heureux. Remporter l'Arc, c'est juste fou ! C'est le cheval de ma vie, je l'avais dit. aujourd'hui, il a montré un grand cœur. On respecte beaucoup Enable, mais malheureusement aujourd'hui, elle est tombée sur plus fort. C'est un moment de fou, je peux mourir tranquille maintenant. Il faut un crack pour gagner l'Arc. On prive la championne d'un troisième sacre. J'ai eu du mal à suivre, ça allait très vite, la piste était collante. Mon cheval me demande du temps. Alors je l'ai laissé et dans la fausse ligne droite, j'ai eu un regain de gaz. Je l'ai ensuite décalé vers l’extérieur. Le cheval a un grand cœur. À l'entrée de la ligne droite, je les ai vus tous les quatre sur la même ligne et le cheval s'est ensuite allongé. »
Lord Teddy Grimthorpe (manager de l’écurie du prince Khalid Abdullah, propriétaire d’Enable, 2e)
« Elle a magnifiquement bien couru mais dans ce terrain, elle ne pouvait pas faire mieux. Enable est devenue une véritable icône. Elle est chère à beaucoup de monde, au grand public, mais pas que. C'est le Prince qui va décider de son avenir. A ce moment précis, nous mesurons à quel point nous avons de la chance de vivre avec une telle pouliche. Elle est à part. Le Prince va prendre son temps pour faire son choix. Les attentes autour d'elle étaient immenses et c'est sublime de voir autant d'énergie positives accompagner sa tentative. Nous ne nous attendions pas à être battus, mais il ne serait pas juste de nous plaindre de sa performance. »
John Gosden (entraîneur d’Enable, 2e)
« La jument a très bien couru mais sur le terrain lourd, elle n'a pas montré le même turn of foot (vitesse de jambes) meurtrier qu'elle a dans le souple et le très souple. Waldgeist nous a battus en finissant fort, sur sa tenue, mais on n’a rien à reprocher à Enable. Sur son avenir, la décision revient au prince Abdullah. »
Jean-Claude Rouget (entraîneur de Sottsass, 3e)
« Nous sommes ravis. Les quatre favoris sont aux quatre premières places, la logique a été respectée. Cela a été une vraie course, bien régulière. Je craignais que la course ne soit décapitée par Ghaiyyath, ce qui n'a pas été le cas. Chaque cheval a eu sa chance et ce fut une très belle épreuve. Il y avait des bruits comme quoi Waldgeist n'allait pas dans le lourd, mais aujourd'hui il y est allé ! Il a du métier et a été préparé pour cette course. Enable a fait sa course, tout comme Sottsass. Cristian Demuro connaît le cheval par cœur et il l'a parfaitement monté, il n'y a absolument rien à dire. Sottsass a été courageux pour conserver la troisième place. Il a mérité un bon repos cet hiver et il est prévu qu'il reste à l'entraînement l'année prochaine. Il devrait donc retenter le challenge de l'Arc en 2020 ! »
Aidan O’Brien (entraîneur de Japan, 4e, et de Magical, 5e)
« Japan et Magical ont très bien couru. Le terrain était peut-être un peu souple mais c'était le même pour tout le monde. Il est très possible que les deux chevaux recourent cette année. »