Historique du Prix Rothschild : un Marois pour grandes dames

3 août 2022

rothschild 22

Photo scoopdyga.com

C’est en 2008 qu’a été attribué le nom de Prix Rothschild au Prix d’Astarté (la déesse de la fécondité dans la mythologie), course créée en 1929 à l’intention des femelles afin de confronter entre elles sur 1 600 mètres celles ne désirant pas affronter les mâles sur la même distance dans le Prix Jacques Le Marois. La distance a toujours été de 1 600 mètres.

Juillet/Août, Deauville

PRIX ROTHSCHILD

 

Groupe 1, Femelles de 3ans et au-dessus, 1 600 mètres-Ligne Droite, 300 000 €

Créé en 1929 (Prix d’Astarté)

 

Tenante du titre : Saffron Beach (F4, IRE par New Bay et Falling Petals, par Raven's Pass), appartenant à Sangster/Wigan/Sangster, élevée par China Horse Club, entraînée par Jane Chapple-Hyam, montée par William Buick.

Record de la course : 1’33’’2, Gay Style (1974)

En 2023, la course sera disputée pour la 94ème fois.

L'édition 2022

 

Mardi 2 août 2022, Hippodrome de Deauville-Touques (Calvados). – La 93ème édition du Prix Rothschild (Gr1), référence sur le mile normand pour les pouliches et femelles, est revenue à la 4ans anglaise Saffron Beach (New Bay), qui a devancé à la manière des fortes, et de plus de deux longueurs, sa cadette Tenebrism (Caravaggio), récente gagnante du Haras d’Étreham Prix Jean Prat (Gr1) sur ce même tracé, mais sur 1 ‘àà mètres. Il a d’ailleurs semblé que cet allongement de distance avait fait la différence car c’est bien dans les deux cents derniers mètres que la pensionnaire d’Aidan O’Brien a semblé lâcher prise, gardant d’une tête seulement la deuxième place aux dépens de la très bonne finisseuse Goldistyle (Dubawi). L’étude des relevés du tracking est d’ailleurs assez confondante. Si la fille de Goldikova donne le sentiment de fondre sur les premières dans les 200 derniers mètres, qu’elle a bouclés en 11’’55, elle n’en réalise pas moins seulement le deuxième temps sur cette portion derrière... Saffron Beach en 11’’54 ! Les trois poursuivantes, avec la quatrième Malavath (Mehmas), qui a eu le parcours idéal, ont été les plus rapides des 600 aux 200, mais elles n’ont pu maintenir leur effort ensuite et Saffron Beach, elle, n’a pas cédé.

Récente lauréate des Duke of Cambridge Stakes (Gr2), au meeting royal d’Ascot, Saffron Beach partait favorite à 1,60 dans cette course. Gagnante de Groupe 3 à 2 ans, deuxième des Mille Guinées ensuite avant d’échouer dans les Oaks, elle s’est imposée pour la première fois au meilleur niveau à l’automne de ses 3 ans dans les Sun Chariot stakes (Gr1), sur 1 600 mètres à Newmarket. Quatrième cet hiver à Meydan, elle venait seulement de rentrer à Ascot et a beaucoup à attendre de cette saison qui commence.

Élevée par le China Horse Club, vendue 55 000 £ foal à Tattersalls, trois fois retirée des ventes ensuite, Saffron Beach est le deuxième produit de Falling Petals (Raven’s Pass), gagnante d’une course pour trois sorties. Une autre fille par Australia s’est vendue 450 000 £ aux ventes d’octobre dernier à Tattersalls. On retrouve ainsi Eternal Reve (Diesis), troisième mère de Saffron Beach, représentante du cheik Mohammed qui, sous l’entraînement de François Boutin, prit une deuxième place dans les Coronation Stakes (Gr1) de sa compagne de couleurs Kissing Cousin.


Historique

Classé Groupe 3 à l’origine de la création des courses principales (pattern races) en 1971, le Prix d’Astarté fut promu au rang de Groupe 2 en 1982. En 2004, il est hissé au plus haut niveau, Groupe 1.

Les Rothschild

L’année 2007 a été marquée par la disparition du baron Guy de Rothschild, décédé le 12 juin à l’âge de quatre-vingt-dix-sept ans. C’est son souvenir, ainsi que l’activité de sa famille au sein des courses, que France Galop a décidé d’honorer en attribuant dès 2008 le nom de « Rothschild » à l’ancien Prix d’Astarté.

La famille Rothschild participe activement à la création des courses des deux côtés de la Manche où les couleurs familiales (bleu et jaune) bénéficient rapidement dans l’esprit des parieurs de la réputation de courir droit. À l’origine, elle est représentée par quatre fils de Nathan Mayer. En France, Anthony (1810-1876) et Nathaniel (1812-1870), membres du Jockey Club dès 1834 et 1836, s’associent et font construire en 1838 à Lamorlaye un établissement dirigé par Thomas Carter précédemment entraîneur pour Lord Seymour. On enregistre les deux premières victoires sous le nom d’Anthony le 10 mai 1840 au Champ-de-Mars avec Anatole et Vendredi. Bientôt les deux frères connaissent de beaux succès : le Prix du Cadran en 1845 avec Edwin, le Prix du Jockey Club en 1846 avec Meudon, le Goodwood Cup en 1855 avec Baroncino et deux fois la Poule d’Essai, avec Gustave en 1860 et Baronello en 1864. La plupart de ces chevaux sont élevés dans les prés de Ferrières, propriété familiale en Seine-et-Marne.

À la mort du baron Nathaniel en 1870, l’écurie française est reprise par ses cousins Alphonse (1827-1905) et Gustave (1829-1911), qui font courir en association sous le nom de « baron de Rothschild » et transfèrent l’élevage en Normandie, à Touques, où en 1875 ils créent le haras de Meautry, appelé à la célébrité. Intensifiant leur activité par l’acquisition de poulinières en Angleterre où certaines vont à la saillie, les deux frères vont conquérir toutes les courses classiques, notamment deux autres Prix du Jockey Club avec Kilt (1876) et Heaume (1890) ; trois fois le Prix de Diane avec Brie (1878), Crinière (1889), Brisk (1894) ; et un premier Grand Prix de Paris gagné en 1898 par Le Roi Soleil (fils d’Heaume), le meilleur sujet de sa génération.

En cette année 1898, apparaît une nouvelle casaque, celle « cerclée bleu et jaune » d’Édouard de Rothschild (1868-1949), fils du baron Alphonse. Elle brille avec Justitia dans le Prix Morny à Deauville, où son jeune propriétaire a acquis yearling pour 24 500 F cette fille de Le Sancy qui sera la mère de Reine Mab, jument base de Meautry. Casaque provisoire qu’abandonne le baron Édouard quand, au décès de son père en mai 1905, l’association avec son oncle Gustave est dissoute. L’emblème familial, repris par le baron Édouard, est bientôt de nouveau à l’honneur à Longchamp où Sans Souci II (fils de Le Roi Soleil) triomphe dans le Grand Prix de Paris en 1907 avant de devenir champion des étalons en 1925. C’est une politique intensive d’achats de femelles que mène le jeune baron en ce début de siècle afin de rassembler à Meautry une des meilleures jumenteries européennes. Au nombre des nouvelles venues une petite-fille de Le Sancy, Viridiflora (1912), qui va devenir la grand-mère de Brantôme, à la fois le meilleur cheval du baron Édouard et l’un des trois meilleurs pur-sang (avec Nearco et Pharis) vus en Europe continentale entre les deux guerres mondiales. Brantôme n’a pu disputer le Jockey Club et le Grand Prix pour cause de toux, mais s’est octroyé l’Arc de Triomphe en 1934. S’il n’est pas demeuré invaincu, il a remporté consécutivement onze courses, fut le meilleur à 2 ans, et a gagné sur 1 600 mètres (Poule d’Essai) à 3 ans et sur 4 000 mètres (Prix du Cadran) à 4 ans. Un autre Grand Prix de Paris enlevé par Crudité (1935), un second Prix de l’Arc de Triomphe gagné par Éclair au Chocolat (1938) et cinq Prix de Diane récoltés par Quenouille (1919), Flowershop (1920), Perruche Bleue (1932), Vendange (1933), Péniche (1935), seront les principaux trophées conquis par le baron Édouard avant la Seconde Guerre mondiale. L’Occupation voit le démantèlement de l’écurie et la déportation de certains reproducteurs en Allemagne en 1940 dont celle de Brantôme qui, heureusement, réintègre en 1945 le berceau familial pour engendrer en 1946 le dernier vainqueur classique né à Meautry sous le règne du baron Édouard décédé fin juin 1949.

Durant les dernières années de sa vie, le baron Édouard s’était efforcé de reconstituer l’élevage à Meautry et ses efforts avaient permis aux couleurs familiales, reprises par son fils le baron Guy, d’effectuer un retour spectaculaire dès l’automne 1949, offrant à son successeur un premier cheval classique, Ciel Étoilé, lauréat du Prix Royal Oak et, l’année suivante, du Prix du Cadran. 1950, année merveilleuse, auréolée par la première place des propriétaires grâce à un trio de 3ans de haute qualité, formé par les deux premiers du Grand Prix de Paris, Vieux Manoir et Alizier, et par Ocarina lauréat du Grand Prix de Saint-Cloud. Trois autres titres de champion des propriétaires vont orner les couleurs bleu et jaune durant une période de vingt-cinq années marquées par trois sommets : en 1963, la victoire d’Exbury dans l’Arc de Triomphe ; en 1968, les succès de Luthier (Prix Lupin et Jacques Le Marois), prélude à quatre titres de champion des pères de vainqueurs ; et en 1977, le succès de Crystal Palace dans le Prix du Jockey Club, épreuve qui se refusait à la casaque bleue depuis la victoire d’Heaume en 1890. Succès dus aux souches maternelles anciennes revivifiées, ainsi qu’à de judicieuses importations de poulinières porteuses de sangs nouveaux. C’est ainsi que le haras de Meautry peut ajouter à son palmarès trois autres Prix de Diane avec Cerisoles (1957), Timandra (1960) et Hermières (1961) ; et trois autres Grand Prix de Paris grâce à White Label (1964), Soleil Noir (1979) et Le Nain Jaune (1982).

Élu le 10 juillet 1975 à la présidence du Syndicat des éleveurs –sans avoir posé sa candidature–, le baron Guy eut la difficile mission de défendre pendant sept ans les intérêts d’un secteur en pleine crise due à « l’invasion » des chevaux étrangers, à la décadence de notre élevage et à la faiblesse de la relève. Tout en réduisant fortement son activité à cause de son grand âge, le baron Guy de Rothschild continuera de faire courir et enregistrera une dernière victoire dans une course de groupe en 2005 avec son élève Pinson, lauréat du Prix Guillaume d’Ornano (Gr2) à Deauville. Il aura aussi la satisfaction de voir la relève assurée par son fils Édouard, élu le 18 décembre 2003 à la présidence de France Galop, fils qui avait créé, dès 1986, sa propre écurie de toutes pièces. Il avait ainsi remporté fin 2006 plus de cent cinquante victoires dont deux courses de Gr1 grâce à Oczy Czarnie (Prix de la Salamandre 1988) et à Indian Danehill (Prix Ganay 2000).

Édouard de Rothschild a été réélu à la présidence de France Galop en 2007, et il y est revenu en 2015, pour être élu à nouveau en 2019. Les couleurs familiales qu’il a reprises ont remporté le Prix Rothschild en 2014 avec Esoterique.

Profil des lauréates

Les 91 lauréates du Prix d’Astarté/Rothschild se répartissent en 63 pouliches de 3 ans, 25 pouliches de 4 ans, deux juments de 5 ans et une jument 6 ans.

Les visiteuses comptent quinze victoires. Dix venues d'Angleterre, Mona Louise (1963), Topsy (1979), Meis El-Reem (1984), Northern Aspen (1985), Ascension (2001), Elusive Kate (2012 et 2013), Amazing Maria (2015), Laurens (2019) et Saffron Beach (2022), trois d'Irlande avec Palinda (1964), Roly Poly (2017) et Mothr Earth (2021), deux d'Italie avec Moon Ingraver (1980) et Marbye (2004).

Au palmarès du Prix d'Astarté on relève les noms de juments célèbres par leurs performances ou par leur production. Parmi elles : en 1931 Célérina (Grand Prix de Deauville et mère de Pensbury), en 1932 Confidence (Grand Prix de Deauville), en 1933 Arpette (Prix Jacques Le Marois et grand-mère de Pirette), en 1938 Tonnelle (2ème Arc de Triomphe), en 1947 Procureuse (Prix Vermeille), en 1958 Lilya (Prix du Moulin de Longchamp), en 1975 Infra Green (Prix Ganay), en 1977 Sanedtki (Prix du Moulin de Longchamp et Prix de la Forêt 2 fois), en 1983 Luth Enchantée (Prix Jacques Le Marois), en 1984 Meis El Reem (2ème 1 000 Guineas), en 1988 Gabina (Prix de la Forêt), en 1993 Ski Paradise (Prix du Moulin de Longchamp), en 1994 Hatoof (1 000 Guineas, Champion Stakes), en 2000 Lady of Chad (Prix Marcel Boussac), en 2003 Bright Sky (Prix de Diane) en 2005 Divine Proportions (Poule d’Essai, Prix de Diane), en 2006 Mandesha (Prix Vermeille), en 2007 Darjina (Poule d’Essai, Prix du Moulin de Longhamp), en 2008, 2009, 2010 et 2011, Goldikova (Prix du Moulin de Longchamp, Breeders’ Cup Mile, 3 fois), en 2012 et 2013 Elusive Kate (Prix Marcel Boussac).

 

Propriétaires

  • Teruya Yoshida (5 victoires) : Shaanxi (1996), Lady of Chad (2000), Marbye (2004) et Elusive Kate (2012 et 2013) ;
  • Casaque Wertheimer (6 victoires) : Eleda (1934) et Djanet (1956) pour Pierre, Goldikova (2008, 2009, 2010, 2011) pour Wertheimer&Frère.
  • Edward Esmond (3 victoires) : Tivoli (1929), Starlight (1930) et Rarity (1935).
  • Théodore P. Cozzika (3 victoires): Pamina (1936), Aziyadé (1937) et Marcalla (1951).
  • Marcel Boussac (3 victoires): Thiorba (1943), Laëlia (1944) et Salamis (1946).


Entraîneurs

  • John Cunnington senior (5 victoires): Otéro (1945), Procureuse (1947), Balle Nègre (1948), Action (1968), Princess Arjumand (1973) ;
  • François Mathet (5 victoires) : Lilya (1958), Breloque (1960), Tin Top (1961), Tamouré (1965), Kirmiz (1972) ;
  • David Smaga (5 victoires) : Thorough (1982), Elle Seule (1986), Navratilovna (1989), Leariva (1991), Miss Berbère (1998).
  • André Fabre (5 victoires): Nashmeel (1987), Ski Paradise (1993), Smolensk (1995), Daneskaya (1997) et Esotérique (2014)
  • Freddy Head (5 victoires) : Goldikova (2008, 2009, 2010, 2011) et With You (2018).


Jockeys

  • Freddy Head (6 victoires) : Carabella (1967), Prudent Miss (1970), Thorough (1982), Northern Aspen (1985), Navratilovna (1985) et Hydro Calido (1992).
  • Olivier Peslier (6 victoires): Shaanxi (1996), Goldikova (2008, 2009, 2010, 2011) et Amazing Maria (2015).
  • Yves Saint-Martin (5 victoires): Breloque (1960), Tamouré (1965), Cover Girl (1966), Gay Style (1974) et Carolina Moon (1976).
  • Alain Lequeux (5 victoires): Madame's Share (1971), Sanedtki (1977), Meis El Reem (1984), Elle Seule (1986) et Leariva (1991).