Historique du Prix Jean Stern : ultime steeple avant le sacre des 4ans

30 avril 2022

La Manigance

Photo scoopdyga.com

Le Prix Jean Stern qui se courut longremps sous le nom de Prix d'Auteuil et constitue un hommage à un des plus grands éleveurs-propriétaires de tous les temps, est la dernière course de préparation pour les meilleurs chevaux de steeple de 4 ans avant le titre convoité du Prix Ferdinand Dufaure, le Grand Steeple de la promotion.

Avril, Auteuil

Prix Jean Stern

 

Groupe 2, 4ans, Steeple-Chase, 4 400 mètres, 210 000€

Créé en 1879, rebaptisé Prix Jean Stern en 1964

Tenant du titre : La Manigance (f4, FRA par No Risk at All et Val d'Aumane, par Martaline), appartenant à SARL Carion E.M.M., élevé par SARL Carion E.M.M., entraîné par François Nicolle, monté par Théo Chevillard.

La course se déroule en 2023 pour la 139ème fois
 

L'édition 2022

Samedi 30 avril 2022, Hippodrome d’Auteuil (Paris). On attendait une nouvelle victoire de Latino des Isles (Martaline), capable de confirmer son leadership chez les steeple-chasers de 4 dans le Prix Jean Stern (Gr2), disputé 4.400 mètres. Mais le pensionnaire d’Arnaud Chaillé-Chaillé a été dominé à la régulière, devant se contenter de la troisième place, derrière Sans Bruit (Triple Threat) et surtout La Manigance (No Risk At All) qui a décroché pour l’occasion son premier Groupe, restant invaincue en steeple pour sa troisième tentative.

Après avoir pisté les animateurs, la pensionnaire de François Nicolle a parfaitement sauté tout au long du parcours, associée à Théo Chevillard. Après le saut de la dernière haie, elle a placé une magnifique accélération pour dominer Sans Bruit, qui s’est remarquablement défendu, lui qui s’attaquait également pour la première fois aux meilleurs dans cette spécialité. Constant figurant, Latino des Isles a dû se contenter de la troisième place, en léger retrait.

La lauréate a été élevée et représente la casaque de la famille Carion, installée à Meaulne-Vitray, dans l’Allier, qui pouvait déjà compter avec La Chenevière (Montmartre) dans cette génération.

La Manigance est une fille de No Risk At All. Gagnant du Grand Prix de Vichy et de La Coupe (Groupe 3), ainsi que troisième du Prix d’Ispahan (Groupe 1), il se révèle comme un excellent étalon d’obstacle en tant que rejeton de Newness, troisième du Prix Maurice Gillois et devenue une poulinière exceptionnelle, donnant également Nickname et Nom de d’La, également étalons.

La mère de La Manigance, Val d’Aumane (Martaline), a aussi donné La Bondue (Saint des Saints), gagnante à Auteuil. C’est la famille maternelle de Le Chablis (Sassanian), vainqueur du Prix Maurice Gillois (Gr1), le Grand Steeple des 4ans.

 

Historique

Le Prix Jean Stern a pris le nom en 1964 du Prix d’Auteuil pour commémorer le souvenir de Jean Stern (décédé en décembre 1962), membre du comité de la Société des Steeple-Chases de France. Le Prix d’Auteuil était une des plus anciennes courses du programme de l’hippodrome, ayant été couru pour la première fois en 1879, soit six ans après l’ouverture. Il s’adresse aux 4 ans qui, jusqu’en 1942, étaient admis à affronter leurs aînés dans le Grand Steeple-Chase de Paris. La distance de la course a très souvent varié de 3 000m en 1879 à 4 400m aujourd'hui.

Le Prix Jean Stern est le principal steeple-chase proposé au printemps aux 4 ans dont l’itinéraire se poursuit l’été avec le Prix Ferdinand Dufaure et à l’automne avec le Prix Maurice Gillois, sous-titré Grand Steeple-Chase des 4 Ans. Seulement deux chevaux sont parvenus à gagner les trois courses, Bonosnap (1955) et Cyrlight (2004). Quatre chevaux ont réussi le doublé Prix Jean Stern-Prix Ferdinand Dufaure, Lapo d’Or (1979), Ucello II (1990), Karly Flight (2002) et Saint du Chênet (2010). Un seul a réussi le doublé Prix Jean Stern-Prix Maurice Gillois, Pot d’Or (1970). Enfin seulement quatre lauréats du Prix Jean Stern (ou du Prix d’Auteuil) ont par la suite remporté le Grand Steeple Chase de Paris : Loutch à 4 ans en 1894, Bonosnap à 6 ans en 1957, Pot d’Or à 5 ans en 1971 et Ucello II à 7 et 8 ans en 1993 et 1994. Mais six lauréats du Prix Jean Stern ont obtenu le premier accessit dans le Grand Steeple. Ce sont Violon II à 7 et 8 ans en 1906 et 1907, Cheshire Cat à 4 ans en 1911, Caldarium à 6 ans en 1945, Point Bleu à 5 ans en 1948, Le Radar à 5 ans en 1951, Blaps à 5 ans en 1963

 

Jean Stern (1875-1962)

Il fut une des personnalités les plus éminentes du turf français. « Soixante-quatre ans de sport », tel est le titre d’un article consacré à la carrière de Jean Stern décédé le 15 décembre 1962, âgé de quatre-vingt-huit ans. Avec lui « ce n’est pas seulement le doyen des éleveurs et des propriétaires français qui disparaît, mais aussi le plus sportif d’entre eux, sportif tant dans le sens de la pratique du sport que dans celui de la loyauté. »

Elu membre du comité de la Société des Steeples en décembre 1909, il siégea aussi au conseil d’administration de 1933 à 1940. A la Société d’Encouragement, il entra au comité en 1930. Il présida de 1934 à 1962 la Société des courses de Dieppe.

Le cheval, Jean Stern le découvrit quand, sorti de Saint-Cyr en 1897, il servit quelque temps dans la cavalerie comme lieutenant de chasseurs. Et c’est en montant lui-même sa jument I Love You qu’il enregistra sa première victoire comme propriétaire le 14 mai 1899 à Angoulême dans une course de haies. La même année, ses jolies couleurs (casaque blanche, étoiles bleu clair, toque noire) furent pour la première fois à l’honneur en plat avec le 2 ans Uhlan gagnant à Deauville le Prix de Cheffreville. Ayant démissionné de l’armée, Jean Stern donna plus d’importance à son écurie déjà intéressée à l’obstacle. Et, dès 1905, il empocha le gros lot, le Grand Steeple-Chase de Paris, avec son 4 ans Canard.

N’ayant cessé d’acquérir des poulinières, Jean Stern se trouva après la Première Guerre mondiale à la tête d’un élevage qui, progressivement, prit place dans la cour des grands. Hébergé d’abord au haras de Clairfeuille, puis au haras de la Chaussée (dépendance du haras du Mesnil de Jean Couturié), l’élevage de Jean Stern fut installé après la Seconde Guerre mondiale dans le Calvados dans les haras de Saint-Pair-du-Mont et de Cheffreville.

L’élevage de Jean Stern eut pour bases principales deux étalons et trois poulinières. Les étalons étaient Alcantara II (Prix du Jockey Club 1911), acheté après sa carrière de courses, et Rialto (dix-sept victoires, 2ème du Prix de l’Arc de Triomphe en 1928), acquis yearling. Les juments furent Fanager (1908), Saperlipopette (1909) et Hornet’s Law (1926).

Les deux premier grands chevaux élevés par Jean Stern ne coururent pas sous ses couleurs. Ce furent Biribi (1923), lauréat du Prix de l’Arc de Triomphe, qu’il avait malencontreusement réformé yearling, sous prétexte de pied bot, et Pantalon (1930), vendu à réclamer à 2 ans, lauréat du Grand Critérium et troisième du Prix de l’Arc de Triomphe. Sous la casaque étoilée brillèrent entre deux guerres Scaramouche (1921, Prix de la Forêt), Arpette (1930, Prix Jacques Le Marois), Fantastic (1933, Prix Royal Oak, Prix du Cadran), Sanguinetto (1933, Prix d’Ispahan, Prix du Conseil Municipal), Saint Preux (1934, Grand Prix de Deauville).

Survint la Seconde Guerre mondiale. Elle fut grandement préjudiciable à l’élevage de Jean Stern qui fut décimé, seuls quelques chevaux ayant pu être camouflés par Jean Couturié et par Gabriel Brun. Sous les couleurs de celui-ci se distinguèrent Hern the Hunter (1939, Prix du Cadran) et La Belle du Canet (1940, Prix Vermeille).

Après la Libération, de l’élevage reconstitué provinrent d’abord d’excellents sauteurs (voir ci-après) puis surgit en 1948 le crack espéré par tout éleveur Sicambre, qui ne subit qu’une défaite en neuf sorties (une place de second dans le Prix Morny), ses succès dans le Grand Critérium, le Prix du Jockey Club et le Grand Prix de Paris récompensant enfin cinquante années d’efforts. Cette année 1951 marqua aussi un renouveau dans l’élevage de Jean Stern puisque, depuis lors, les grands vainqueurs se firent de plus en plus nombreux. Ce furent Free Man (1948, Poule d’Essai des Poulains), Soleil Levant (1951, Prix Maurice de Nieuil), Franc Luron (1954, 2ème Poule d’Essai), Pépin le Bref (1955, 2ème Grand Prix de Paris), Hautain (1957, 2ème Arc de Triomphe), Night and Day (1957, 2ème Prix du Jockey Club), Star (1958, Prix Eugène Adam) et Snob (1959, Prix de la Forêt).

En obstacle, la casaque étoilée de Jean Stern ne fut pas en reste. Après Canard (1905), elle fut encore portée victorieusement trois fois dans le Grand Steeple-Chase de Paris, grâce à Lindor (1946, 1947) et à Cousin Pons (1961). Les autres sauteurs de Jean Stern les plus notables furent Fierabras (1932, Prix Murat), Houdon (1941, Grand Prix des Trois Ans, Grand Prix d’Automne), La Palice (1941, Grande Course de Haies d’Enghien), Le Radar (1946, Grand Steeple-Chase d’Enghien, Prix Maurice Gillois, Gran Premio di Merano), Fifrelet (1947, Prix La Haye Jousselin, Prix du Président de la République), Florianet (1954, Prix Maurice Gillois), Milord l’Arsouille (1957, Prix Cambacérès) et Furibard (1961, Prix Cambacérès).

De ce fait Jean Stern fut un des très rares propriétaires étant parvenus à atteindre le premier rang dans les deux disciplines, plat (1951) et obstacle (1960, 1961). Enfin il convient de dire que, esprit fin et érudit, Jean Stern publia sept livres dont deux concernant les courses. En 1913, Les Courses de Chantilly sous la Monarchie de Juillet (relatant la création de la Société d’Encouragement et décrivant le turf en cette période héroïque) ; en 1954, Lord Seymour, dit Milord l’Arsouille (contant la vie fabuleuse du premier président de la Société d’Encouragement).


Propriétaires

  • Arthur Veil Picard (4 victoires) : Jumelle (1909), Cheshire Cat (1911), Prince Christian (1914) et Gunpowder (1926);
  • Magalen Bryant (4 victoires) : Saint Realise (2001), Saint du Chênet (2010), Laterano (2014) et Whetstone (2018).
  • Jules Finot (3 victoires) : Grinchue (1884), Baryton (1885) et Le Lys (1898). 
  • Famille Carion (2 victoires) : Le Listrac (2021), La Manigance (2022).


Entraîneurs

  • Guillaume Macaire (7 victoires) : Pasquane (1996), French Kankan (1997), Santa Bamba (2008), Tout Rouge (2011), Edward d'Argent (2017), Whetstone (2018) et Goliath du Berlais (2019).
  • Georges Pelat (6 victoires) : Point Bleu (1947), Tréport (1949), Bonosnap (1955), Trouville II (1957), Tonofranc (1971) et Yoritoma (1973) ;
  • Jean-Paul Gallorini (5 victoires) : Lapo d’Or (1979), Soliburn (1992), Le Navire (1994), Silver Top (1999) et Kotkikova (2015). 
  • John Harper (4 victoires) : Grinchue (1884), Baryton (1885), Le Lys (1898) et Chevilly (1899). 
  • Wallace Davis (4 victoires) : Jumelle (1909), Cheshire Cat (1911), Prince Christian (1914) et Gunpowder (1926). 
  • Charles Bariller (4 victoires) : Hydravion (1920), Come Again (1923), L’Isly (1927) et Fandango IV (1936). 
  • Maurice d’Okhuysen (4 victoires) : Citron (1930), Vague à l’Ame (1938), Chamerops (1939) et Gommeux (1941). 
  • André Adèle (4 victoires) : Siklos (1937), Carcajou (1953), Pirate IV (1958) et Blaps (1962). 


Jockeys

  • Denis Leblond (4 victoires) : Lapo d’Or (1979), Marathon Dancer (1982), Brise Rose (1983), Mosca (1989) ;
  • Philippe Sourzac (4 victoires) : Pasquane (1996), French Kankan (1997), Karly Flight (2002), Cyrlight (2004).
  • Jacques Ricou (3 victoires) : Santa Bamba (2008), Tout Rouge (2011), Kotkikova (2015) et Paulougas (2016).