Historique du Ingré : Hommage au cheval de fer

27 avril 2024

Ingre 24 Toscana du Berlais

Photo Prix Ingré 2024 : scoopdyga.com

Avril-Mai*, Auteuil

Grand Steeple-Chase Masters Prix Ingré

 

Groupe 2, 5ans et au-dessus, Steeple-Chase, 4 400 mètres, 235 000 €

Créé en 1946

Tenant du titre : Toscana du Berlais (h6, FRA par Shantou et Katioucha, par Mansonnien), appartenant à Écurie Hub de Montmirail, Haras du Berlais, SCEA Equi Flore, élevé par Haras du Berlais, Catherine Pousin, entraîné par Arnaud Chaillé-Chaillé, monté par Gaëtan Masure.

La course se déroule en 2025 pour la 80ème fois

 

L'édition 2024

Samedi 27 avril 2024, Hippodrome d'Auteuil (Paris). - Cette première édition du Grand Steeple-Chase Masters Ingré (Gr2) labellisée Groupe 2 aura été riche en péripéties, dès la préparation au départ. En effet, un des chevaux en vue de la course, Général en Chef (Martaline) a été déclaré non-partant à l’issue d’un faux départ.

Puis, le favori, Sel Jem (Masked Marvel), gagnant du Grand Steeple 2022 et 3e pour sa rentrée sur les haies de Compiègne pour sa rentrée, a été arrêté avant la fin du premier tour, victime d’une blessure.

Le hongre de 6 ans Toscana du Berlais (Shantou) en a profité pour renouer avec la victoire, devançant de plus de quatre longueurs le 5ans Amy du Kiff (Kapgarde). L’animateur In Love (Great Pretender) a gardé la 3e place devant Grand Oncle (Saddler Maker), qui l’aura inquiété jusqu’au bout.

Propriété de l’écurie Hub de Montmirail, de son éleveur Haras du Berlais et de Equi Flore, Toscana du Berlais restait sur une chute dans le Grand Steeple-Chase Masters Troytown (Gr3), avant l’emballement final, alors qu’il galopait en retrait. Il avait auparavant terminé 3e du Grand Steeple-Chase Masters Clermont-Tonnerre (Gr3).

C’est le terme d’une longue ascension qui a mené Toscana du Berlais des handicaps au courses de Groupe, dont il vient de remporter une 1re épreuve.

Achetée 35 000 € aux ventes de février Arqana par Guy Petit en 2011, vide, à 8 ans; la mère du gagnant, Katioucha (Mansonnien) descend d’une belle famille. Déjà mère d’Aubusson (Saint des Saints), placé de Groupe 1 et gagnant de Groupe, Katioucha, qui n’a couru que six fois et a gagné sa dernière course après avoir pris plusieurs places, a aussi donné le gagnant de « Cambacérès » (Gr1) Nirvana du Berlais (Martaline), maintenant étalon.

Après Toscana du Berlais, Katioucha a donné Montana du Berlais (Martaline), qui a couru deux fois sans succès, la 4ans Verona du Berlais (Kapgarde), qui est à l’entraînement chez Arnaud Chaillé-Chaillé, et un mâle par Nathaniel âgé de 2 ans.

 

Historique

Cette appellation fut donnée en 1946 à une course préparatoire au Grand Steeple-Chase de Paris. Ingré, qui venait d’achever une fabuleuse carrière à 13 ans en 1945, était, à l’époque, seulement le troisième cheval parvenu à remporter deux fois l’épreuve phare d’Auteuil, les précédents étant Wild Monarch (1878, 1879) et Dandolo (1904, 1908).

Le premier Prix Ingré, qui eut lieu le 25 avril 1946, eut pour vainqueur Jupin qui ne disputa pas le Grand Steeple. Rameau, second lauréat en 1947, dut s’incliner dans le Grand Steeple devant Lindor qui n’avait pu obtenir que la cinquième place dans le Prix Ingré. Mais dès 1948 Ridéo réalisa le doublé. Ainsi sur la voie menant au Grand Steeple, le Prix Ingré joue un rôle éminent, comme en témoignent les noms des grands sauteurs inscrits à son palmarès.

Après Ridéo, 14 autres chevaux ont gagné la même année le Prix Ingré et le Grand Steeple. Ce sont : Hyères III (1966), Haroué (1968), Mon Filleul (1978), Isopani (1981), Sir Gain (1985), Oteuil SF (1987), Katko (1988, 1989), Ucello II (1994), Al Capone II (1997), Kotkijet (2001, 2004), Mid Dancer (2011), Bel La Vie (2013), Storm of Saintly (2014) et Milord Thomas (2015). Sept autres chevaux ont aussi remporté les deux courses mais pas la même année. Ce sont Loreto (Ing 1961, Gd St 1963), Morgex (Ing 1971, Gd St 1972), Brodi Dancer (Ing 1983, Gd St 1984), Jasmin II (Ing 1984, Gd St 1983), The Fellow (Ing 1990, Gd St 1991), Ubu III (Ing 1992, Gd St 1995) et Mid Dancer (Ing 2009, Gd St 2007).

A noter que six chevaux ont gagné deux fois le Prix Ingré : Rameau (1947, 1949), Quo Vadis (1954, 1955), Katko (1988, 1989), Chamberko (1996, 1997), Al Capone II (1997, 1999) et Kotkijet (2001, 2004).

Ainsi on a enregistré en 1997 un dead-heat (ex æquo) entre Chamberko et Al Capone II à l’issue d’un duel inoubliable.

(*) exceptionnellement en 2020, le Grand Steeple-Chase de Paris eut lieu en octobre en raison des annulations du premier semestre à Auteuil, elles-mêmes dûes à l'épidémie de coronavirus. Le Prix Ingré suivit le mouvement pour préarer, comme d'habitude, au classique d'Auteuil : il se disputa le mardi 23 septembre.

La course est passée du statut de Groupe 3 à celui de Groupe 2 en 2024.

Ingré

Né en 1932, ce hongre bai par Hélion et Diplomée (Durbar) a été élevé au haras de la Louvière (Orne) par Paul Chamon. Devenu la propriété d’un petit entraîneur de Maisons-Laffitte, Fernand Drouhard, il court six fois sans succès à 2 ans, gagne un handicap à 3 ans. Dressé sur les obstacles, il court six fois en haies à l’automne pour gagner deux courses à Maisons-Laffitte et à Auteuil. C’est là qu’il est remarqué par l’entraîneur Joseph Ginzbourg qui le fait acheter par Arthur Veil-Picard. Dès le 29 décembre, Ingré offre une victoire à Nice à son nouveau propriétaire.

A 4 ans, Ingré est dirigé sur le steeple. Pour sa première tentative à Auteuil, il tombe mais son jockey le remonte pour décrocher la troisième place car il n’y avait que quatre partants. Encore une chute à Enghien, mais avec le temps Ingré apprend son métier. Une victoire à Enghien et trois sur le petit steeple d’Auteuil préludent à deux déplacements, l’un victorieux dans le Grand Steeple de Deauville à Clairefontaine, l’autre en Italie où il se classe second du Gran Premio di Merano.

En 1937 à 5 ans, Ingré semble à son apogée. Pour ses six premières sorties, cinq victoires dont le Grand Prix de la Ville de Nice, le Prix Murat (73,5 kilos) et le Grand Steeple sur le tapis vert, bénéficiant de la rétrogradation de Larringes qui avait versé longuement sur lui après le saut du dernier obstacle. A l’automne un retour victorieux à Auteuil sous 73 kilos et un déplacement outre-Manche pour faire connaissance avec les obstacles d’Aintree. Le champion d’Arthur Veil Picard est recalé à cet examen de passage en vue d’un éventuel Grand National en tombant au deuxième obstacle, le « chair », où il s’est permis de « brousser ».

A 6 ans, son entourage décide de faire l’impasse sur un second Grand Steeple (dans lequel il devrait porter une surcharge de dix livres imposée à tout ancien lauréat) et d’axer sa campagne sur le Gran Premio di Merano que son compagnon Empressor a gagné en 1937. Réapparition seulement en août à Clairefontaine où il gagne en plat et se place troisième dans la Grande Course de Haies. Hélas en septembre 1938, la tension internationale est si vive que le déplacement d’un champion en Italie s’avère trop risqué. En guise de consolation, Ingré glane à Auteuil trois courses et la deuxième place du Prix La Haye Jousselin.

En 1939, c’est décidé, le but est un second Grand Steeple malgré la surcharge. En attendant, cinq courses soldées par deux victoires (à Nice et Enghien) et trois places dont celle de deuxième du Prix Murat sous 75 kilos. Et le 18 juin, mission accomplie. Portant 74 kilos, Ingré devance de quatre longueurs son compagnon Un Mitrailleur dans la course phare d’Auteuil. Mais à peine connue la gloire, survient la guerre avec la cessation des hostilités sur les hippodromes. Seule une brève reprise au printemps 1940 permet à Ingré de remporter un second Prix Murat sous 74 kilos avant une nouvelle interruption des courses.

Pour beaucoup de vieux chevaux s’achève alors leur carrière avec l’exode, la fuite devant les armées ennemies et l’Occupation. Sa trace un moment perdue, Ingré est retrouvé… pour reprendre le turbin. Recherché par la Gestapo, Joseph Ginzbourg se cache. Avant que les biens de son propriétaire juif soient confisqués, Ingré est confié à l’entraîneur Joachim Bédeloup. Sous la casaque de celui-ci, il reparaît en 1941 et se distingue encore en se classant troisième du Grand Steeple tout en portant la sempiternelle surcharge, relevée cette année à douze livres.

En 1942, Ingré a 10 ans. Soupçonné d’être le simple prête-nom d’un juif, Bédeloup se voit contraint de céder Ingré à un certain André Carré (installé au Mans et détenteur d’une licence de gentleman-rider) qui va exploiter l’ancien crack pour quatre campagnes à but lucratif. Du 22 mars 1942 au 17 août 1945, Ingré est obligé de prendre part à quarante-trois courses, onze en plat, trente-deux en obstacle. Il roule sa bosse pendant quatre ans sur une dizaine d’hippodromes différents. On le voit gagner deux fois le Prix Claude de Langle à Craon. A Auteuil, on l’admire quand il enlève les Prix Cher Tatoué (70 kilos), Marescot et Léon Olry-Roederer ; on le plaint quand il tombe deux fois, dans les Prix Murat et Agitato ; on est indigné de le voir supporter toujours la surcharge de dix livres dans le Grand Steeple qu’il dispute encore à 11 ans et dont il se classe cinquième ; on est triste de le revoir au même rang l’année suivante mais soulagé de l’absence de surcharge. C’est sa cinquième participation.

A 13 ans, le 10 avril 1945, Ingré change encore de propriétaire. Vendu à la requête de l’Administration des Domaines, il est acheté par l’entraîneur Horace Haes, responsable de ses quatre dernières exhibitions. L’ultime a lieu le 17 août à Enghien, en queue d’un petit peloton de sept partants. Un tendon postérieur est claqué. Mais les deux antérieurs sont droits comme un i. C’est sa cent-dixième course. Bilan : vingt-huit victoires et vingt-neuf places pour soixante-dix-neuf courses en obstacle ; trois victoires et six places pour trente et une courses en plat. C’est à la solidité de ses jambes et à son extrême bonne volonté – il n’a jamais refusé un obstacle – qu’il a dû le report d’une retraite que la plupart des sauteurs obtiennent beaucoup plus tôt. C’est la rançon d’être hongre et sans tares.

De retour en France, le fils et le gendre d’Arthur Veil Picard (décédé en 1944) rachètent Ingré. Dans l’écurie de Joseph Ginzbourg (lui aussi revenu), il retrouve même box et même lad. Chaque jour, il effectue joyeusement un petit galop de santé sur une piste de Maisons-Laffitte. Un matin, il s’écroule. Il avait vingt-deux ans.

N.B. Extraits du livre Auteuil hier et aujourd’hui (tome 2, 1916-2003) de Guy THIBAULT (Editions du Castelet).

 

Propriétaires

  • Marquise de Moratalla (3 victoires) : The Fellow (1990), Ubu III (1992) et Ucello II (1994).
  • Jean Stern (2 victoires) : Le Radar (1951) et Florianet (1960).
  • Pierre Delafosse (2 victoires) : Quo Vadis (1954, 1955).
  • Henry de Blonay (2 victoires) : Crésus (1965) et Le Vermandois (1973).
  • Pierre de Montesson (2 victoires) : Katko (1988, 1989).
  • Gérard Margogne (2 victoires) : Chamberko (1996, 1997).
  • Robert Fougedoire (2 victoires) : Al Capone II (1997, 1999).
  • Daniel Wildenstein & Ecurie Wildenstein (2 victoires) : Kotkijet (2001, 2004).
  • Sean Mulryan (2 victoires) : Cyrlight (2006) et Or Noir de Somoza (2008).
  • Pegasus Farms Ltd (2 victoires) : Mid Dancer (2009, 2011).
  • Mme Patrick Papot (2 victoires) : Bel La Vie (2013), Poly Grandchamp (2023).
     

Entraîneurs

  • Arnaud Chaillé-Chaillé (6 victoires) : Sunny Flight (2003), Cyrlight (2006), Or Noir de Somoza (2008), Mid Dancer (2009), Perfect Impulse (2017), Toscana du Berlais (2024).
  • André Adèle (5 victoires) : Yasco (1964), Crésus (1965), Camarero (1967), Le Vermandois (1973), L’Amenokhal (1974).
  • Bernard Sécly (5 victoires) : Mon Filleul (1978), Katko (1988, 1989), Al Capone II (1997, 1999).
  • Guillaume Macaire (5 victoires) : Bel La Vie (2013), Storm of Saintly (2014), As d'Estruval (2016), Edward d'Argent (2018), Feu Follet (2022, avec Hector de Lageneste).
  • François Doumen (4 victoires) : The Fellow (1990), Ubu III (1992), Vorétin (1993), Ucello II (1994).

 

Jockeys

  • Christophe Pieux (4 victoires) : Chamberko (1996, 1997), Cyrlight (2006), Wisborough (2007).
  • René Bèche (3 victoires) : Jupin (1946), Ike (1950) et Quo Vadis (1954).
  • Jacques Ricou (3 victoires) : Or Noir de Somoza (2008), Mid Dancer (2009), Milord Thomas (2015).