Historique du Prix de l’Abbaye de Longchamp : la finale des sprinters

Octobre, ParisLongchamp

PRIX DE L'ABBAYE DE LONGCHAMP LONGINES

Groupe 1, 2ans et au-dessus, 1 000 mètres, 210 000 €

Créé en 1957

Record de la course : 54’’30 par Habibti en 1983.

Tenant du titre : Wooded (m3, IRE par Wootton Bassett et Frida La Blonde, par Elusive City), appartenant à Al Shaqab Racing, élevé par Gestüt Zur Kuste AG, entraîné par Francis-Henri Graffard et monté par Pierre-CHarles Boudot.

La course se déroulera en 2021 pour la 65^ème fois.

L'édition 2020

Dimanche 4 octobre 2020, ParisLongchamp. - On le sait, le Prix de l’Abbaye de Longchamp Longines (Gr1) est traditionnellement la proie des Anglais… mais pas cette année ! Le 3ans français Wooded (Wootton Bassett), entraîné par Francis-Henri Graffard à Chantilly, monté par Pierre-Charles Boudot et élevé en Normandie au Haras d’Étreham, a mis fin à près de dix ans de disette pour l’entraînement tricolore sur les 1 000 mètres en ligne droite de ParisLongchamp.

Wooded, qui défend les intérêts d’Al Shaqab Racing (Cheikh Joaan Al Thani), a devancé les anglaises Glass Slippers (Dream Ahead), gagnante de la course l’an dernier, et Liberty Beach (Cable Bay).

Pour s’imposer, le poulain de 3 ans a profité de son numéro 2 dans les stalles de départ et a gardé l’appui de la lice. N’étant pas un spécialiste des 1 000 mètres, il a semblé longtemps débordé avant de refaire son retard mètre par mètre jusqu’au poteau pour finalement s'imposer d'une encolure sur Glass Slippers (Dream Ahead), Liberty Beach concluant à une courte encolure de la deuxième.

Acheté 90 000 € aux ventes de yearlings de Deauville, Wooded a débuté par une deuxième place à Dieppe en juillet de ses 2ans, battu d’une courte encolure, et a concrétisé aussitôt à Deauville sur 1 400 mètres. Placé ensuite des Prix La Rochette (Gr3) et Thomas Bryon (Gr3), il a gagné facilement pour sa rentrée sur les 1 200 mètres du Prix Texanita (Gr3) puis a été déclaré non-partant en raison du terrain assoupli dans la Commonwealth Cup (Gr1), toujours sur 1 200 mètres, au meeting royal d’Ascot. Quatrième après avoir mené dans le Prix Jean Prat (Gr1) sur 1 400 mètres, notamment derrière Lope Y Fernandez, il a été raccourci sur mille mètres après avoir échoué dans le LARC Prix Maurice de Gheest (Gr1) sur 1 300 mètres cet été à Deauville. Deuxième d’Air de Valse dans le Qatar Prix du Petit Couvert (Gr3) lors des Arc trials, il a pris ici une éclatante revanche.

Sa sœur par Ajaya a été vendue 65 000 € aux ventes de yearlings de Deauville l’année dernière.

Historique

La course doit son nom à l'abbaye qui se trouvait dans la plaine des « Longchamps », à la bordure nord de l'hippodrome. Abbaye royale s'il en fut, sa fondation répondant à un souhait d'Isabelle de France, fille de Blanche de Castille et sœur du roi Louis IX (Saint-Louis). « Mon frère me donne 30.000 livres parisis, écrit-elle à Héméric, chancelier de Notre-Dame, de qui elle aimait le conseil ; dois-je les employer à fonder un monastère ou un hôpital ? » Héméric préféra le monastère. L'emplacement choisi fut une bande de terrain de quarante arpents le long de la Seine, face au bac du village de vignerons de Suresnes. Ainsi le 10 juin 1256, le roi posa la première pierre du monastère, destiné à la communauté des « Sœur Mineures Encloses de l'Humilité de Notre-Dame ».

Isabelle de France fut la première abbesse de l'abbaye entourée comme il se doit d'une ferme et d'un moulin. Les pratiques pieuses furent longtemps la règle du monastère. Mais avec les guerres, l'austérité de la règle se relâcha au Moyen Age. L'esprit profane fut introduit dans l'abbaye quand elle commença à accueillir comme « dames pensionnaires des femmes isolées qu'attirent la beauté du site et la proximité de la ville, puis des jeunes filles de la plus haute noblesse confiées aux religieuses pour y accomplir leur éducation jusqu'au mariage. » La vogue arrive et « un Longchamp mondain succède au cloître sévère fondé par la sœur de Saint Louis ». La musique et le chant sont enseignés par une cantatrice célèbre, Mlle Le Maure, qui chante aux offices. On vient l'entendre. La famille d'Orléans, qui a coutume de passer la quinzaine de Pâques dans sa résidence voisine de Saint-Cloud, se rend à Longchamp pour l'office des Ténèbres suivis de personnes de la cour en grands équipages. Des actrices en renom viennent s'y faire remarquer, telle Mlle Guimard le 30 mars 1768. La mode aidant, l'affluence se transforme en cohue. Le rendez-vous de Longchamp devenu une « foire aux vanités », l'archevêque de Paris décida de fermer au public l'accès « d'une église où l'on se rendait comme au théâtre ». Mais le pli était pris et, jusqu'à la Révolution, Longchamp continua d'être le rendez-vous de tous ceux qui veulent voir et surtout être vus. A la Révolution, les religieuses furent chassées et l'abbaye fut rasée.

A l'emplacement d'une partie de l'abbaye fut construite une maison de plaisance dite « château de Longchamp ». La ville de Paris y logea ses conservateurs puis il fut occupé par Alfred Chauchard, célèbre collectionneur. Après avoir été le siège du Centre International de l’Enfance, il a aussi abrité le WWF (World Wide Fund for Nature), le Fonds mondial pour la vie sauvage, avant d’être consacré à des réceptions : « Noctis et à la Fondation Good Planet s’associent pour ouvrir un espace éco-responsable à Paris: Le Domaine de Longchamp, un lieu entouré d’arbres centenaires composé d’un Château et d’une Clairière aménagée de 1.000m2 dédiés à tout type d’événements et privatisations. »

La course se déroule à Chantilly en 2016 et en 2017 pendant les travaux à Longchamp, qu’elle retrouve en 2018.

Doublés

Quatre chevaux ont gagné la course à deux reprises. Ce sont Texanita (1963, 1964), Gentilhombre (1976 dead-heat, 1977), Commited (1984, 1985) et Lochsong (1993, 1994). Malgré des efforts répétés, Yours ne parvint pas à gagner la course. Deuxième en 1964 et 1966, il est seulement troisième à 6 ans en 1967. Vainqueur à 3 ans en 1967, Pentathlon ne peut finir que troisième deux ans plus tard. Troisième en 1978, Double Form se rachète en triomphant l'année d'après à 4 ans. Sharpo, deuxième en 1980 et 1981, est parvenu à gagner l'année suivante à 5 ans. Habitbi, lauréate à 3 ans en 1983, dut se contenter de la deuxième place l'année suivante. De même Keen Hunter, gagnant à 4 ans en 1991, fut seulement deuxième l'année suivante. Hever Golf Rose, gagnante à 4 ans en 1995, ne put mieux faire que troisième en 1996. Patavallian, vainqueur en 2003, fut non placé en 2004. Inversement la jument Imperial Beauty, seulement deuxième en 1999, a obtenu la victoire à 5 ans en 2001. Quant à Avonbridge (frère utérin de Patavellian), vainqueur en 2005, il avait dû se contenter de la cinquième place en 2004. Lauréate en 2016, Marsha a pris la 2ème place en 2017.

Le rôle des 2 ans

Ils prirent un départ en fanfare, étant victorieux dès la première année. Portant les couleurs de François Dupré, la pouliche bolide Texana devance ses compagnons d'écurie Polic (4 ans) et Mystic (3 ans). Elle termine la saison invaincue. C'est sa onzième victoire. Elle établit un nouveau record en France, le précédant étant détenu par Mlle de Fligny gagnante de dix courses pour douze tentatives à 2 ans en 1868 (voir Grand Critérium). A la fin du siècle, une autre pouliche, Alips gagnera elle aussi onze courses à 2 ans, en 1996. Mais pour dix-sept tentatives (avec six places), le plus souvent dans des courses à réclamer et pour le compte de quatre propriétaires différents.

Les troisième et quatrième éditions du Prix de l'Abbaye voient le succès de deux autres pouliches de 2 ans, Sly Pola et High Bulk. En 1963, Texanita imite sa sœur aînée Texana, tout en faisant un peu moins bien, seulement huit victoires en onze sorties. Et encore deux victoires pour les 2 ans en 1965 et 1966 avec deux élèves du prince Karim Aga Khan, Silver Shark et Farhana. Ainsi au bout de dix ans, on relève six victoires à l'actif des 2 ans. Après ce feu d'artifice, c'est fini. Trois places de deuxième en 1967, 1968 et 1969, puis une seule victoire, celle de Sigy en 1978. Depuis lors, deux places de deuxième (Superstar Leo en 2000 et Kingsgate Native en 2007) et deux places de troisième (Sicyos en 1983 et Magic Ring en 1991). En fait les 2 ans brillent par leur absence quasi permanente depuis près d'un quart de siècle.

Les visiteurs souverains

C'est seulement lors de sa onzième édition que le Prix de l'Abbaye fut enlevé par un concurrent étranger, le 3 ans Pentathlon, venu d'Allemagne mais made in England, qui parvient à devancer un 2 ans particulièrement véloce, Zeddaan. Dès lors la voie est ouverte et les étrangers se ruent sur l'Abbaye. Bilan des quarante-neuf années suivantes : seulement neuf victoires pour les chevaux entraînés en France, tout le reste pour les visiteurs.

Sprint à l'état pur

66,3 km/h, c'est la vitesse réalisée - départ arrêté en stalle - par Habibti en 1983 quand elle couvrit en 54'' 30 les 1.000 mètres du Prix de l'Abbaye de Longchamp. C'est le record de la distance en France. Quatre secondes de moins que le record établi sur la même piste (mais départ derrière les rubans de la starting-gate) en 1929 par La Fayette (58'' 72). L'amélioration de la race chevaline n'est pas une vaine expression. Si Habibti peut se prévaloir de ce record, au palmarès du Prix de l'Abbaye, on relève d'autres illustres spécialistes de la vitesse. Particulièrement, les sœurs Texana et Texanita déjà nommées, Sly Pola (1959), Fortino (1962), Be Friendly (1968), Tower Walk (1969), Deep Diver (1972, gagnant de quatre longueurs), Lianga (1975, qui venait d'enlever le Prix Jacques Le Marois sur 1 600 mètres), Double Form (1979, tête et nez devant Kilijaro et Greenland Park), Marwell (1981, dixième victoire de sa carrière pour treize courses), Dayjur (1990, sixième sprint victorieux de l'année), Hever Golf Rose (1995, déjà gagnante dans l'année de sept sprints en Italie, Allemagne, Suède et Angleterre, son pays d'origine), Kistena (1996, devançant in extremis son compagnon d'entraînement Anabaa) et Agnes World (1999, venu du Japon pour conquérir cette Abbaye de renommée internationale). A noter que le français Marchand d’Or, lauréat en 2008, a effectué le parcours en 54’’ 40, le meilleur temps enregistré depuis le record d’Habitbi en 1983.

Les sprinteuses

De toutes les courses de Groupe 1 mixtes, c'est dans le Prix de l'Abbaye que les femelles obtiennent la plus grande réussite : 38%. Elles font presque jeu égal avec les mâles. 24 victoires à leur actif sur 63 (il y eut un dead-heat).

Propriétaires

• François Dupré (4 victoires) : Texana (1957), Fortino (1962) et Texanita (1963, 1964) ;
• Robert Sangster (4 victoires) : Commited (1984), Double Schwartz (1986), Handsome Sailor (1988) et Carmine Lake (1997).
• Aga Khan IV (3 victoires) : Silver Shark (1965), Farhana (1966) et Moubariz (1974).
• Jeffrey-Colin Smith (2 victoires) : Lochsong (1993, 1994).
• Daniel-John Deer (2 victoires): Patavellian (2003) et Avonbridge (2005).

Entraîneurs

• François Mathet (8 victoires) : Texana (1957), Edellic (1958), Fortino (1962), Texanita (1963, 1964), Silver Shark (1965), Farhana (1966) et Moubariz (1974).
• Etienne Pollet (3 victoires) : Sly Pola (1959), High Bulk (1960) et L'Epinay (1961).
• Ian Balding (3 victoires) : Silver Fling (1989) et Lochsong (1993, 1994).

Au cours des dix premières années, deux entraîneurs ont monopolisé les victoires, sept pour François Mathet et trois pour Etienne Pollet. A signaler aussi que François Mathet était l'entraîneur en 1957 des trois premiers (Texana, Polic, Mystic) comme Christiane Head-Maarek fut en 1996 l'entraîneur des deux premiers Kistena et Anabaa.

Jockeys

• Yves Saint-Martin (5 victoires) : Fortino (1962), Texanita (1963), Silver Shark (1965), Farhana (1966) et Lianga (1975).
• Lester Piggott (4 victoires) : Tower Walk (1969), Balidar (1970), Moorestyle (1980) et Mr Brooks (1992)
• Lanfranco Dettori (3 victoires) : Lochsong (1993, 1994) et Var (2004).

* Les informations relatives à l'histoire de l'abbaye de Longchamp ont été recueillies dans deux articles parus dans Le Sport Universel Illustré. Le premier daté du 9 octobre 1925 (n° 1 180) dû à Raymond de Fontanes. Le second daté du 2 juillet 1932 (n° 1 531) dû à Henry Lee.