Historique du Haras d'Étreham Prix Jean Prat : Un nouveau parcours pour les flyers de 3 ans

7 juillet 2024

Jean Prat 24 Puchkine

Photo scoopdyga.com

Peu de courses de ce niveau n’ont autant évolué depuis leur création, mais le palmarès du Haras d'Étreham Prix Jean Prat reste parmi les plus solides du programme. C’est à présent une course de 3ans sur 1 400 mètres, en juillet à Deauville, où il a émigré en 2018. C'est donc un trait d'union entre deux spécialités, dans la foulée d'une des épreuves les plus sélectives du meeting royal d'Ascot, les Jersey Stakes, en route pour les championnats de flyers de l'été et de l'automne, un accès facilité à ce créneau pour les poulains dont la tenue est éprouvée sur 1 600 mètres.

Juillet, Deauville

 

HARAS D'ETREHAM PRIX JEAN PRAT
 

Groupe 1, 3ans, 1 400 mètres, 400 000 €

Créé en 1858 (Prix Biennal des 3ans)

Tenante du titre : Puchkine (m3, FRA by Starspangledbanner et Vadyska, par So You Think), appartenant à Alain Jathière, élevé par Alan Jathière, entraîné par Jean-Claude Rouget, monté par Ioritz Mendizabal.

Record de la course : 1’21’’2 par Too Darn Hot en 2019 (record des 1 400 mètres à Deauville : 1'21''1, Proviso dans le prix du Calvados 2007)

En prenant comme point de départ 1961 (voir explication ci-après), le Prix Jean Prat sera disputé pour la 65ème fois en 2025.

 

L'édition 2024
 

Dimanche 7 juillet 2024, Hippodrome de Deauville-Touques (Calvados). – C’est au terme d’une course spectaculaire que l’outsider Puchkine (Starspangledbanner) a remporté la 64e édition du Haras d'Étreham Prix Jean Prat (Gr1), course de 3ans sur 1 400 mètres disputée sur la ligne droite de Deauville.

Cet élève d’Alain Jathière avait remporté ses quatre premières courses à 2 et 3 ans avant de connaître sa première défaite, une 2e place dans le Prix Aymeri de Mauléon (L), puis de terminer 9e de l’Emirates Poule d’Essai des Poulains (Gr1), dans des circonstances défavorables. Quatrième du Prix Paul de Moussac (Gr3) ensuite à ParisLongchamp, derrière le 2e Havana Cigar (Havana Grey) et le 3e Sajir (Make Believe), qu’il retrouvait ici, il a pu cette fois se glisser dès le début derrière le leader du favori, Zandy (Frankel). Parti très vite en pleine piste de la stalle 12, celui-ci devait emmener son compagnon de casaque anglais, le favori Kikkuli (Kingman), mais il est mal parti de la stalle 10, alors qu’avec le 9 à la corde, le bouillant Puchkine a pu profiter de cette position idéale. Les deux poulains ont pris du champ et à 600m du but, Puchkine a pu le relayer et il a tenu bon pour s’imposer de 2,5 longueurs devant son compagnon d’écurie Havana Cigar, soit un jumelé pour l’écurie de Jean-Claude Rouget.

Beauvatier (Lope de Vega) a perdu la 2e place tout à la fin, et le 4e Sajir (Make Believe) a plafonné plus tôt encore, mais assez pour tenir les anglais Kathmandu (Showcasing) et Kikkuli…

Puchkine est le 4e produit de Vadyska (So You Think), achetée yearling par Jean-Claude Rouget à Deauville pour 100 000 €, et que ne courra pas. En revanche, elle donnera Slevka (Shalaa), qui gagnera son maiden à ParisLongchamp avant de prendre la 3e place du Prix Amadine (L) et a été inscrite l’hiver dernier aux ventes de Keeneland, aux USA. Après Puchkine, Vadyska a aussi donné Zvokokiev (Fas), à l’entraînement chez Jean-Claude Rouget, puis un mâle par Almanzor né en 2023, puis un fils de Muhaarar né cette année.

La deuxième mère Rockatella (Rock of Gibraltar) est double lauréate de Listed en Italie et placée de Groupe 3 en Italie et en France. C’est une famille maternelle dont les lignées remontent à de nombreux bons chevaux en Nouvelle-Zélande, en Australie, à Hong Kong et en Angleterre, à l’image de Zeyaadah (Tamayuz), lauréate de Groupe 3 à Newcastle et deuxième des Nassau Stakes (Gr1) à Goodwood.

Historique
 

C'est en 1940 que fut attribué le nom de Prix Jean Prat à deux très anciennes courses, créées en 1858 sous le nom de « Prix Biennal », dont une 1ère épreuve était réservée aux 3 ans et une 2ème épreuve aux 4 ans. Une confusion parfois fâcheuse s'instaura entre les deux Prix Jean Prat jusqu'en 1985, quand la course réservée aux 3 ans conserva son nom alors que le titre de Prix Vicomtesse Vigier fut attribué à l'épreuve ouverte aux 4 ans et au-dessus.

La course se disputa à Longchamp de l'origine jusqu'en 1966, puis de 1986 à 1994 ; à Chantilly, de 1967 à 1985 et depuis 1995. Elle a été promue au rang de Groupe 1 en 1985. Sa distance fut de 2 000 mètres jusqu'en 1961 puis réduite à 1 850 mètres jusqu'en 1966 et à 1 800 mètres de 1967 à 2004. En 2005 elle est réduite à 1 600 mètres, et à 1 400 mètres en 2019.

Quand elle était disputée au mois d'avril, la course faisait partie des épreuves préparatoires au Prix du Jockey Club. Ainsi le doublé fut réalisé par Little Duck (1884), Reluisant (1885), Sea Sick (1908) et Duplex (1934). On trouve aussi à son palmarès trois vainqueurs du Grand Prix de Paris (ancienne formule, sur 3.000 mètres), Arreau (1896), Verdun (1909) et Souverain (1946), un lauréat du Derby d'Epsom, Durbar (1914), et l'invaincu Prestige (1906).

En 1961, la fonction du Prix Jean Prat fut modifiée. Déplacé d'abord au dernier dimanche de mai puis accompagnant le Prix du Jockey Club le premier dimanche de juin, le Prix Jean Prat disputé sur 1 800 mètres, se présenta alors comme une étape intermédiaire idéale entre la Poule d'Essai (1 600 mètres) et le Grand Prix de Paris, couru fin juin, dont la distance avait été réduite à 2 000 mètres en 1987. Durant cette période, quatre chevaux parvinrent à réaliser le doublé Jean Prat-Grand Prix : Risk Me (1987), Millkom (1994), Vespone (2003) et Bago (2004). Aucun des quatre n'avait participé auparavant à la Poule d'Essai.

Dans le cadre de la réforme des conditions et du calendrier des courses instaurée en 2005, le Prix Jean Prat (1 800 mètres) aurait concurrencé le Prix du Jockey Club dans sa nouvelle version sur 2 100 mètres. C'est pourquoi il a été décidé de faire du Prix Jean Prat une contre-épreuve des Poules d'Essai en fixant sa distance à 1 600 mètres, en doublant son allocation (400 000 € au lieu de 200 000 €) et en le reculant au premier dimanche de juillet, permettant ainsi la présence de certains chevaux ayant participé au Jockey Club. C’est ainsi que Lawman a pu gagner à la fois le Jockey Club et le Jean Prat en 2007. De la sorte le Prix Jean Prat prend du galon, devenant l'épreuve vedette de la réunion créée à Chantilly le premier dimanche de juillet. Il a ensuite été déplacé à Deauville, en 2018, pour utiliser le parcours en ligne droite de l'hippodrome normand, puis il a été raccourci de deux cents mètres en 2019 pour être porté à 1 400 mètres et devenir ainsi un parcours intermédiaire entre Royal Ascot et le meeting d'août.

Jean Prat (1847-1940)
 

Cette course a été nommée en souvenir de Jean Prat, personnalité du turf français. Elu membre du comité de la Société d'Encouragement en 1903, il fut aussi commissaire de 1906 à 1909, puis de 1919 à 1920. Surtout il avait rendu pendant la Première Guerre mondiale un éminent service à la Société d'Encouragement. Celle-ci, privée de recettes, avait accepté la proposition de Jean Prat de lui prêter - moyennant un intérêt de 5 % - les sommes nécessaires au financement des « épreuves de sélection » qu'elle était chargée d'organiser de 1916 à 1918, mais « sans public et sans pari ».

« La Société d'Encouragement, en perdant son doyen d'âge, est privée désormais d'un de ses conseillers les plus respectés. […] Il fut observateur de sa parole, fidèle dans ses amitiés, sincère et ferme dans ses convictions » peut-on lire dans la notice nécrologique que lui consacra le journal hippique La Veine (6 janvier 1940).

Cet industriel marseillais, qui devait sa fortune au fameux vermouth Noilly-Prat, fit d'abord courir dans le Midi. C'est à vingt et un ans qu'il remporta sa première course, le 11 mai 1868 à Angoulème, avec Adour. Celui-ci fut encore victorieux à cinq reprises, successivement à Avignon, Toulouse, Mont-de-Marsan et Bordeaux. Là, il gagna deux courses à trois jours d'intervalle, la seconde (pour gentlemen-riders) monté par son propriétaire. Le premier bon cheval de Jean Prat fut la pouliche Faisane, quatre fois gagnante en cinq tentatives à 2 ans en 1876, victoires acquises à Dieppe (Grand Critérium), à Fontainebleau (Deuxième Critérium), à Chantilly (Prix de la Salamandre) et à Marseille (Prix de la Ville). Bredouille en trois tentatives à 3 ans, Faisane se ressaisit à 4 ans en remportant une course à Chalon-sur-Saône puis le Grand Prix de la Ville de Dieppe.

Son écurie étant « montée » dans la région parisienne, tout d'abord à La Croix-Saint-Ouen, Jean Prat vit alors ses couleurs (casaque marron, manches orange, toque blanche) se distinguer au plus haut niveau pendant un demi-siècle, le plus souvent avec des sujets nés dans son haras installé à Lessard-le-Chêne près de Lisieux. Chopine (Prix Greffulhe 1889), Nacelle (Omnium de 2 Ans 1895), Champignol (Prix Lupin, 2ème Prix du Jockey Club 1896), Chambertin né en 1894 (Prix Royal Oak, Prix du Cadran), Clairette (Omnium de 2 Ans 1899), Mirska (Oaks à Epsom 1912) et Cadet Roussel III (Prix des Sablons 1912) furent ses meilleurs chevaux avant la Première Guerre mondiale. Durant celle-ci, son élève Montmartin s'avéra le meilleur sujet de la génération née en 1915 en remportant les principales épreuves de substitution. Se distinguèrent ensuite Galéjade (Poule d'Essai 1919), Macaroni (Prix du Président de la République 1933), Rénette (Prix d'Ispahan (1935, 1936), Sylvanire (2ème Prix de Diane 1937) ainsi que deux sujets acquis en vente publique, Drap d'Or et Gaspillage, tous deux vainqueurs de la Poule d'Essai des Poulains (1937, 1938). L'ultime bon cheval de Jean Prat fut Maurepas (lui aussi acheté yearling en vente publique), gagnant à 2 ans du Prix La Flèche au Tremblay le 31 juillet 1939. Jean Prat étant décédé en janvier 1940, Maurepas poursuivit sa carrière pour le compte de la vicomtesse Vigier, héritière des couleurs et de l'élevage. Maurepas se révéla être un des meilleurs sujets de sa génération, de même que Magister, né à Lessard-le-Chêne en 1939, qui remporta en 1942 le Prix du Jockey Club et le Grand Prix de Paris, les deux courses que Jean Prat avait tant espéré inscrire au palmarès de ses couleurs.

Les visiteurs
 

2& victoires à leur actif depuis 1968. 18 d'Angleterre pour les écuries de Noël Murless (Lorenzaccio 1968, Hill Run 1969), Richard Hannon (Dick Turpin 2010, Havana Gold 2013), John Gosden (Torrential 1995, Too Darn Hot 2019), Saeed Bin Suror (Almutawakel 1998, Thunder Snow 2017), William Hern (Sharp Edge 1973), Guy Harwood (Young Generation 1979), Paul Kelleway (Risk Me 1987), Clive Brittain (Lapierre 1988), David Loder (Starborough 1997), Barry Hills (Golden Snake 1999), John Dunlop (Olden Times 2001), Karl Burke (Lord Shanakill 2009), Charlie Appleby (Pinatubo, 2020) Ken Condon (Laws of Indices, 2021). Deux vainqueurs viennent d'Irlande, un pensionnaire de Vincent O'Brien (Night Alert 1980), et Tenebrism, gagnant een 2022 pour Aidan O'Brien. On compte également la victoire espagnole de Mauricio Delcher-Sanchez (Suances 2000).


Propriétaires
 

  • Mohammed Al Maktoum & Godolphin (9 victoires) : Local Talent (1987), Kitwood (1992), Torrential (1995), Starborough (1997), puis sous la casaque de Godolphin avec Almutawakel (1998), Aesop’s Fables (2012), Territories (2015), Thunder Snow (2017), Pinatubo (2020).
  • Famille Niarchos (5 victoires) : Cresta Rider (1981), Melyno (1982), Mendez (1984), Baillamont (1985), Bago (2004).
  • Marcel Boussac (3 victoires) : Marveil (1949), Janus (1950), Locris (1967).
  • Aga Khan IV (3 victoires): Jour et Nuit III (1964), Silver Shark (1966), Maroun (1971).

On a enregistré aussi deux fois des victoires de couple, celles de R.B. Strassburger avec Le Tyrol (1951) et de son épouse avec Angers (1960) ; et celles de Mme Alec Head avec Sillery (1991) et de son époux avec Rouvres (2002).

Entraîneurs
 

  • François Mathet (5 victoires) : Jour et Nuit II (1964), Silver Shark (1966), Maroun (1971), Lightning (1977), Melyno (1982) ;
  • François Boutin (5 victoires) : Speedy Dakota (1975), Cresta Rider (1981), Mendez (1984), Baillamont (1985), Priolo (1990).
  • André Fabre (5 victoires) : Local Talent (1987), Kitwood (1992), Mutual Trust (2011), Aesop’s Fables (2012) et Territories (2015)
  • Etienne Pollet (3 victoires) : Peppermint (1954), Spy Well (1963) et Master Guy (1970).
  • Christiane Head (3 victoires) : Sillery (1991), Le Triton (1996) et Rouvres (2002)
  • Nicolas Clément (3 victoires): Le Balafré (1993), Vespone (2003) et Stormy River (2006).

Jockeys
 

  • Yves Saint-Martin (6 victoires) : Jour et Nuit II (1964), Silver Shark (1966), Melyno (1982), Antipode (1974), Earth Spirit (1976) et Ginger Brink (1983).
  • Roger Poincelet (4 victoires) : Souverain (1946), Marveil (1949), Spy Well (1963) et Locris (1967).
  • Cash Asmussen (4 victoires): Mendez (1984), Baillamont (1985), Magical Wonder (1986) et Local Talent (1989).
  • Olivier Peslier (5 victoires) : Le Balafré (1993), Turtle Bowl (2005), Lawman (2007), Charm Spirit (2014), Laws of Indices (2021).
  • Lanfranco Dettori (4 victoires) : Torrential (1995), Starborough (1997), Almutawakel (1998) et Too Darn Hot (2019)
  • Lester Piggott (3 victoires) : Speedy Dakota (1975), Dom Racine (1978) et Night Alert (1980).

N.B. Ces statistiques (propriétaires, entraîneurs et jockeys) ne concernent cette course que depuis 1940 quand elle adopté le nom de Prix Jean Prat. Certains des intéressés figurent antérieurement au palmarès du Biennal des 3ans.