Historique du Cadran : le marathon de Paris

28 septembre 2021

Historique du Cadran : le marathon de Paris

Photo scoopdyga.com

Né au Champ de Mars avant la Tour Eiffel, dans les années 1830, le Qatar Prix du Cadran est une des plus anciennes courses du calendrier français, et le plus long Groupe 1 du pays puisqu'il est disputé sur 4.000 mètres. Il consacre donc un spécialiste des courses de tenue, un stayer, et donne toujours lieu à des matches spectaculaires entre les chevaux britanniques et irlandais d'une part, et les meilleurs français d'autre part, sur une distance qui initialement très courante, puis tombée en désuétude, connaît aujourd'hui un renouveau bienvenu.

Octobre, ParisLongchamp

QATAR PRIX DU CADRAN


Groupe 1, 4ans et au-dessus, 4 000 mètres, 180 000€

Créé en 1837

TenantE du titre : Princesse Zoé (f5, GER par Jukebox Jury et Palace Princess, par Tiger Hill), appartenant à Patrick Kehoe & Mme P. Crampton, élevée par Gestüt Hony-Hof, entraînée par Anthony Mullins, montée par Joseph Sheridan.

Record de la course (Longchamp) : nouvelle piste et grande piste, 4'12''22 en 2014 par High Jinx. Petite piste et grande piste, 4' 16'' 24 en 1955 par Elpenor.

La course se déroule en 2021 pour la 177ème fois.

L'édition 2020

Samedi 3 octobre 2020, ParisLongchamp. – L’édition 2020 du Qatar du Prix du Cadran (Gr1), la 176ème du nom, a été le théâtre d’un fin de course épique au terme de laquelle le fuyard Alkuin (Maxios) a cédé in extremis la victoire à Princesse Zoé (Jukebox Jury), nageuse de l’extrême dont la victoire a été particulièrement fêtée par ses propriétaires irlandais, Patrick Kehoe et Mme Crampton. Ils se sont portés acquéreurs de la jument, qui courait des handicaps en Allemagne, au printemps dernier. Confiée à Anthony Mullins, le frère de l’entraîneur bien connu Willie Mullins, la grise a gagné cinq courses consécutives, dont ce premier Groupe de carrière. En juin dernier, elle était en 29 de valeur… Elle s’offre maintenant Call the Wind (Frankel), qui n’a pu suivre son retour dans la phase finale et a dû se contenter de la troisième place sur cette piste lourd, et c’est donc seule que la jument est allée arracher la victoire et le premier prix de 102 852 €.

Princesse Zoé est issue de Palace Princess (Tiger Hill), gagnante de deux courses et aussi mère de Palace Prince (Areion), gagnant de Groupe 3 outre-Rhin.

 

Historique

C'est, après le Prix du Jockey Club (1836), la plus ancienne des courses françaises ayant toujours conservé la même appellation. Elle tient son nom du cadran de l'horloge de l'Ecole Militaire à l'époque où la Société d'Encouragement organisait ses courses au Champ de Mars.

C'est le 27 avril 1837 que fut couru le premier Prix du Cadran (doté de 3.000 F), en partie liée sur un tour et quart du Champ de Mars, soit 2.500 mètres. Dans la première épreuve, Miss Annette, jument de 7 ans appartenant à Lord Henry Seymour et montée par Tom Robinson, devança aisément ses deux rivales, Agélie au duc d'Orléans et Bélida à Auguste Lupin. Dans la seconde épreuve, Miss Annette effectua le parcours au petit galop, ses rivales ayant décliné la lutte.

Pendant longtemps, jusqu’aux événements de 1870-1871, le Prix du Cadran avait lieu fin avril lors de la réunion d’ouverture du meeting de printemps au Champ de Mars puis à Longchamp. Il était le premier des quatre seuls prix importants dont disposaient à Paris les 4 ans, les trois autres étant le Prix Rainbow (5.000 mètres, créé en 1861 sous le nom de Prix de l’Impératrice), « La Coupe » (3.200 mètres, créée en 1865) et le Prix Gladiateur (6.200 mètres, dérivé du « Grand Prix » créé au Champ de Mars en 1806). Hors de Paris, les meilleurs pouvaient tenter leur chance en Angleterre en juin au meeting royal d’Ascot dans la Gold Cup (4.000 mètres, créée en 1807) et l’Alexandra Plate (4.500 mètres, créé en 1865), en juillet à Goodwood dans la Goodwood Cup (4.200 mètres, créée en 1812), en août à Deauville dans le Grand Prix (2.400 mètres, créé en 1866) et en septembre à Baden-Baden dans le Grand Prix (3.200 mètres à l’origine, créé en 1858). Ce n’est qu’à la fin du XIXe siècle que furent créées de nouvelles courses bien dotées, ouvertes aux chevaux d’âge et sur des distances plus courtes, voisines de 2.000 et 2.400 mètres. D’abord en Angleterre, avec les Champion Stakes (2.000 mètres, 1877) et les Eclipse Stakes (2.000 mètres, 1886), puis en France avec le Prix des Sablons (2.100 mètres, 1889, futur Prix Ganay), le Prix Boïard (2.000 mètres, 1891) et le Prix du Conseil Municipal (2.400 mètres, en 1893).

Le Prix du Cadran continua de porter le même nom quand il fut transféré à Longchamp lors de l'ouverture de l'hippodrome en 1857. Après avoir été couru en partie liée pendant six ans, le Prix du Cadran vit sa distance élevée à 4.000 mètres en une seule épreuve en 1843, puis à 4.200 mètres en 1846. Après quelques modifications entre 1851 et 1857, la distance fut reportée à 4.200 mètres en 1858 jusqu'en 1912. Depuis 1913, elle est de 4.000 mètres, et 4.100 mètres lors de ses deux éditions disputées à Chantilly en 2016 et 2017.

Le Prix du Cadran n'a pas été couru en 1850, en 1871, de 1915 à 1918, en 1940 et en 1968. Il fut couru à Versailles en 1848, au Tremblay en 1943, 1944 et 1945 sur 4.100 mètres. De 1854 à 1912, il fut ouvert aux 4 ans seuls. Il n'est ouvert aux hongres que depuis 1986.

Depuis 1991, le Prix du Cadran ne se court plus en mai ; il a été reporté au début octobre, lors du week-end du Prix de l'Arc de Triomphe.

Tentatives multiples

Réservé aux seuls 4 ans pendant près de soixante ans (1854 à 1912), le Prix du Cadran ne compte que six chevaux vainqueurs à plusieurs reprises :

  • Marsyas (4 victoires) en 1944, 1945, 1946 et 1947
  • Nautilus (3 victoires) en 1839, 1840 et 1842 pour le fils aîné du roi Louis-Philippe, le duc d'Orléans mort accidentellement peu après ce dernier succès.
  • Taine (2 victoires) en 1962 et 1963
  • Buckskin (2 victoires) en 1977 et 1978
  • El Badr (2 victoires) en 1979 et 1982
  • Westerner (2 victoires) en 2003 et 2004.

Les juments

Elles n'ont obtenu que 31 victoires au cours des 172 éditions du Prix du Cadran. Ce faible pourcentage s'explique du fait que les meilleures pouliches sont consacrées à la reproduction dès la fin de leur troisième année. Toutefois les juments furent souvent victorieuses de l'origine de la course (1837) à 1914, obtenant 22 victoires en 76 ans, soit 28,9%.

Les sept dernières femelles lauréates du Prix du Cadran sont Gold River (1981), Mercalle (1990), Victoire Bleue (1991), Sought Out (1992), Molesnes (1994), Molly Malone (2012) et Princess Zoe (2020).

Marsyas

Avec quatre victoires dans cette course de très haut niveau, on doit considérer Marsyas comme un des chevaux les plus remarquables du turf français. Né en 1940 chez Marcel Boussac, il avait pour père le stayer anglais Trimdon, double vainqueur de l'Ascot Gold Cup. Sa mère Astronomie (Astérus) allait produire après lui quatre chevaux remarquables, Caracalla (1942 par Tourbillon), Arbar (1944 par Djebel), Asmena (1947 par Goya) et Arbèle (1949 par Djebel).

Marsyas courut vingt-sept fois de 3 à 7 ans. Il gagna dix-sept courses, se plaça quatre fois deuxième, cinq fois troisième et fut non placé seulement une fois, à 4 ans dans le Prix de l'Arc de Triomphe. Outre ses quatre Prix du Cadran, il enleva en France le Prix Jean Prat deux fois, le Prix Kergorlay et le Prix Gladiateur. A 5 ans, après avoir gagné ses deux courses (Jean Prat et Cadran), il est victime d'un claquage. Absent pendant onze mois, il dispute les deux mêmes épreuves, second du Jean Prat et victorieux dans le Cadran. C'est alors que Marcel Boussac décide de lui faire courir les épreuves de longues distances outre-Manche. Tout en laissant à son demi-frère Caracalla le soin de remporter l'Ascot Gold Cup, Marsyas aligne cinq succès consécutifs, dans les White Rose Stakes (Hurst Park), les Queen Alexandra Stakes (Royal Ascot), la Goodwood Cup, la Doncaster Cup et les Lowther Stakes (Newmarket). Six jours après, il doit se contenter de la troisième place de la Jockey Club Cup. A 7 ans, Marsyas fait une rentrée victorieuse dans le Prix de Lutèce puis tente de remporter un quatrième Prix du Cadran. Objectif chimérique, car l'opposition est plus forte que précédemment. Il doit affronter le 4 ans Souverain, favori (6/10) du fait de ses quatre dernières sorties victorieuses, à 3 ans dans le Grand Prix de Paris, le Prix Royal Oak et les King George VI Stakes, et, pour sa rentrée dans le Prix Jean Prat. C'est pourtant Marsyas qui l'emporte. Après avoir relayé son leader avant le dernier tournant, Marsyas prend le large. Souverain tente alors de placer sa pointe de vitesse mais il se heurte à la résistance obstinée de Marsyas qui gagne finalement de trois longueurs. C'est le chant du cygne de Marsyas, victime d'un nouveau claquage. Quant à Souverain, un mois plus tard il remportera l'Ascot Gold Cup.

Huées et vivats

7 mai 1933. 6'37''4/5, c'est le temps mis par Gris Perle pour devancer ses deux seuls adversaires au terme des quatre kilomètres du Prix du Cadran. Chacun s'était efforcé de ne pas mener. Retour aux balances sous les huées du public.

20 mai 1990. Applaudissements fournis destinés à la pouliche Mercalle, lauréate du Prix du Cadran. Imposant une allure soutenue dès le départ, elle épuise ses adversaires et franchit le poteau avec cinq longueurs d'avance. Le temps enregistré pour 4.000 mètres (4'19''2 en terrain souple) est le second meilleur des dix dernières années. C'est une provinciale, venue de Chateaubriant, où l'entraîne son jockey Maurice Bouland.

7 octobre 2001, deuxième course de la réunion de l'Arc. C'est le Prix du Cadran que cinq étrangers veulent ravir à quatre nationaux. L'un de ceux-ci relaie un compatriote dans le dernier tournant et prend le large. Derrière lui c'est la débandade et c'est avec huit longueurs d'avance que Germinis franchit la ligne d'arrivée sous les vivats de la foule. Ce n'était qu'un outsider (12/1) ; il n'avait pas couru depuis cinq mois ; yearling, il n'avait pas trouvé acquéreur pour 12.000 F. Mais aux yeux du public, il était, comme Mercalle, un provincial venu chercher la consécration parisienne. C'est à Dragey, dans la baie du Mont-Saint-Michel, que le hongre de Robert Sallet avait été minutieusement mis au point par l'entraîneur Patrick Chevillard et le jockey Renaud Janneau.


Propriétaires

  • Frédéric de Lagrange (11 victoires) : Compiègne (1862), Alerte (1863), Béatrix (1865), La Fortune (1866), Auguste (1867), Longchamps (1868), Le Sarrazin (1869), Boulogne (1870), Saint-Christophe (1878), Rayon d'Or (1880) et Milan (1881).
  • Marcel Boussac (8 victoires) : Thor (1934), Dadji (1938), Marsyas (1944 à 1947), Arbar (1948) et Elpenor (1955).
  • Casaque Wildenstein (8 victoires) : Le Chouan (1970), Buckskin (1977, 1978), Balitou (1985), Air de Cour (1986), Victoire Bleue (1991) et Westerner (2003, 2004).


Entraîneurs*

  • Tom Jennings (15 victoires) : La Clôture (1851), Hervine (1852), Papillon (1854), Monarque (1856), Compiègne (1862), Alerte (1863), Béatrix (1865), La Fortune (1866), Auguste (1867), Longchamps (1868), Le Sarrazin (1869), Boulogne (1870), Saint-Christophe (1878), Rayon d'Or (1880) et Milan (1881).
  • Thomas Carter (6 victoires) : Miss Annette (1837), Franck (1838), Annetta (1843), Edwin (1845), Nanetta (1849) et Rémunération (1855).
  • Henry Jennings (5 victoires) : Nativa (1844), Géologie (1860), Prétendant (1861), Revigny (1873) et Clocher (1879).
  • William Webb (5 victoires) : Krakatoa (1888), Chêne Royal (1893), Fousi Yama (1894), Astronome II (1903) et Strozzi (1906).
  • George Cunnington Sr (5 victoires) : Camisole (1904), Ris Orangis (1907), Aveu (1910), La Française (1911) et Nimbus (1914).
  • Charles Semblat (5 victoires) : Marsyas (1944 à 1947) et Arbar (1948).

Une seule femme a entraîné un vainqueur du Prix du Cadran, Mme Myriam Bollack-Badel : Always Earnest (1995).

* Le nom des entraîneurs n'apparaît dans les compte rendus (Calendrier des courses et Chronique du Turf) qu'en 1890. Il existe donc de réelles difficultés pour déterminer avec certitude les entraîneurs de certains chevaux avant cette date. Ainsi quelques auteurs n'attribuent pas à Thomas Jennings la victoire de certains chevaux du comte de Lagrange mais à ses assistants installés à Royallieu puis à Dangu. C'est en contradiction avec le palmarès établi par le sérieux journal Le Sport (1882) qui les affecte toutes à Tom Jennings. En fait les meilleurs chevaux du comte susceptibles de courir les épreuves classiques, tant anglaises que françaises, quittaient la France à 2 ou 3 ans pour être placés sous la direction de Tom Jennings à Newmarket (à Phantom House). Ils y bénéficiaient de meilleurs terrains d'entraînement alors qu'il n'y avait pas encore de piste en gazon à Chantilly. Ils faisaient la navette par bateau, ne séjournant en France qu'à l'occasion de courses rapprochées.


Jockeys

  • Yves Saint-Martin (5 victoires) : Waldmeister (1965), Danseur (1967), Récupéré (1974) et Buckskin (1977, 1978).
  • Charles Pratt (4 victoires): Géologie (1860), Compiègne (1862), Alerte (1863) et Béatrix (1865).
  • Charles Elliott (4 victoires) : Thor (1934), Dadji (1938), Marsyas (1947) et Arbar (1948).
  • Eric Legrix (4 victoires) : Neustrien (1984), Balitou (1985), Air de Cour (1986) et Trebrook (1989).